Verdun - Froideterre - 322e R.I. - Du 31/07/16 au 15 août 1916 - Mort des abbés Adrien FOUCRAS et Louis DITTE. - Ernest Olivié - Grande Guerre 14-18

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Verdun - Froideterre - 322e R.I. - Du 31/07/16 au 15 août 1916 - Mort des abbés Adrien FOUCRAS et Louis DITTE.

1916 > Au front à Verdun

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Le 31 juillet 1916, quelle est la situation sur le front de Verdun ?


21 février 1916 : gigantesque offensive allemande bien préparée dont le but est d’occuper Verdun et toute la zone des forts. Le haut commandement français qui n’y a pas cru, n’a pas anticipé une défensive appropriée.

Plus surprenant encore, le décret du 5 août 1915 prescrivant le désarmement des forts est resté en vigueur. De sorte que le fort de Douaumont, qui n’est pas défendu,  devient allemand dès le 25 février 1916.

Mais le Soldat français résiste pied à pied et se bat, quitte à  se faire tuer sur place.

Le 6 juin 1916, le fort de Vaux  tombe aux mains de l’ennemi après une défense farouche des soldats français.

Le 23 juin 1916, les Allemands tentent une dernière poussée qui échoue le 12 juillet 1916 devant le fort de Souville.

Ce même 12 juillet 1916, le haut commandement allemand stoppe son offensive et se résout  à revenir à une guerre défensive. Verdun est sauvée.

Entre temps, le 1 er juillet 1916, a débuté l’offensive franco-britannique sur la Somme. La préparation de cette offensive a beaucoup servi d’argument à Joffre pour refuser les renforts que réclamait Pétain pour le front de Verdun. Et pourtant ! : « Durant la seule journée du 1er juillet 1916, sur les 120 000 soldats – britanniques – qui se lancèrent à l’assaut, environ 20 000 trouvèrent la mort et 40 000 furent blessés, fauchés pour la plupart dès la première heure de l’attaque. De juillet à novembre 1916, l’armée britannique perdit, sur les rives de la Somme, 420 000 hommes, blessés ou tués, sans aucun gain stratégique ». Extrait de Le Monde du 15 avril 2014.

Sur le front de Verdun, dès le 15 juillet 1916, les généraux Nivelle et Mangin, qui ne sont pas à quelques milliers de morts près, ordonnent des contre-attaques. Elles sont mal préparées, font beaucoup de victimes et n’apportent pas d’avancée sur le terrain.

Quand Ernest Olivié arrive à Verdun le 31 juillet 1916, le front de Verdun est entré dans la phase « bataille d’usure »…


- Lundi 31juillet 1916 -

A 5 h 30, Sainte Messe à l’église. A 8 h en route sur les camions-autos, au milieu d’un nuage de poussière. Nous quittons Rembercourt-aux-Pots qui ne peut que nous donner d’excellents souvenirs et d’amers regrets.
On roule jusque vers 13 h. Puis sous un soleil de plomb nous débarquons à Blercourt puis, en avant, on marche bien pendant une grosse heure et demie pour trouver dans les bois épais un coin où nous allons passer l’après-midi à nous reposer jusqu’à 5 h du soir. Ainsi fut fait.

VERDUN


A 20 h sac au dos et en avant, marche très longue en suivant un itinéraire défilé ; vers 21 h on arrive à Verdun.

Affreuse odeur de cadavre (*) (il paraît que ce sont les chevaux), épouvantables trous de marmites, triste désolation dans ces belles villas perdues au milieu de la verdure auxquelles les soldats ou les obus ont enlevé les volets ou le toit et où les chevaux campent, attachés à un pied de rosier ou au milieu d’un plan de fraisiers. Mon Dieu, que c’est triste tout cela !
Nous traversons la ville, qui, elle aussi, sans être entièrement dévastée, présente bien des ruines.  Les rues sont presque désertes : de distance en distance, quelque cave illuminée dans laquelle vit un officier avec son personnel.
Des devantures défoncées par les propres mains de mauvais soldats français ; de beaux meubles épars sur le trottoir sur lesquels se prélassent quelques ordonnances ou autres embusqués de ce genre !

Nous allons cantonner à la citadelle, gigantesque fort intact, malgré les obus qui y sont arrivés, mais peu confortable : galeries mouillées et sales dans lesquelles nous devons coucher.

On est trop fatigué  pour ne pas dormir, il est d’ailleurs plus de minuit.


(*) Extrait du livre « Verdun » de Georges Blond ».


Le thème, le leitmotiv de tous les témoignages de combattants sur le caractère du champ de bataille pendant l’été de 1916 s’exprime en un mot : putréfaction. Il n’est pas agréable de parler de ces choses. « L’odeur de charogne, mais nous la portons sur nous. Tout ce que nous touchons, le pain que nous mangeons, l’eau boueuse que nous buvons, sentent la pourriture. C’est que la terre aux alentours est littéralement truffée de cadavres ». On compte que sur un demi million de morts ( Français et Allemands ) de Verdun, 150 000 au moins ne reçurent pas de sépulture. La terre les absorba. … il n’y a eu au cours de tous les temps qu’une guerre où les deux parties se sont disputé aussi longuement un sol aussi pourri de leurs propres cadavres, c’est la guerre de 14-18, à l’intérieur de laquelle Verdun représente un sommet.



- Mardi 1 er et mercredi 2 août 1916 -

Toute la nuit bombardement violent qui se poursuit pendant toute la journée du côté de Fleury et Souville surtout. Les Boches nous gratifient encore de quelques marmites qui tombent bien en plein dans les premières maisons de la ville.
N’espérant pas pouvoir dire la Sainte-Messe, je déjeune légèrement. Mais voilà que l’abbé Tersy va dire la sienne dans une petite église près de notre fort ; je la lui sers et j’y communie. C’est une grande joie pour moi qui compense bien le chagrin  que j’ai de ne pouvoir pas célébrer le Saint Sacrifice.
Eglise magnifique, bien parée et riche. On ne l’a pas pillée et les obus l’ont assez bien respectée ; ce sont surtout le toit et les vitraux qui ont  souffert.
Journée passée tout entière aux préparatifs ; il faut prendre beaucoup de vivres de réserve, car le ravitaillement est difficile au point où nous allons. On nous munit chacun d’un bidon de 2 litres et d’une musette supplémentaire. Avec ça, beaucoup de boîtes de singe et de biscuits de chocolat, etc…

On laisse le sac ici, malgré cela on est fort chargé. En route à 20 h 30. Première pause dans Verdun même. Les marmites éclatent tout près de nous. On traverse une rue qui est une véritable ruine : plus rien ne reste d’une belle file de grandes maisons et de grands magasins, c’est fort triste. Entre temps, la nuit arrive. La canonnade est toujours furieuse. Les attelages qui viennent de ravitailler les automobiles font de la vitesse et nous enveloppent dans d’épais nuages de poussière.  Pauvres fantassins ! …
A la sortie de Belleville, pause d’une heure au pied du fort de Belleville, puis, quand la nuit est complète, nous suivons la berge du canal et nous marchons, nous marchons sans cesse. Après la rase campagne, c’est le boyau que nous prenons à la Ferme de la Folie, je crois : il est interminable, caillouteux, étroit, peu profond par endroits. Les balles sifflent aux oreilles, les obus éclatent tout près de nous et puis il faut marcher, toujours marcher !

ARRIVÉE au FRONT.

Les premières lueurs du jour nous surprennent au moment où nous n’étions pas encore arrivés à destination. On s’égare même un peu.
Entre temps le jour se lève complètement et, comme nous devons franchir un assez long espace à découvert, une mitrailleuse boche m’arrose. On est obligé de faire demi-tour et d’attendre encore longtemps dans un boyau. Puis vers midi, nous arrivons enfin à notre poste. Aucun arbre, terrain tout bouleversé par l’artillerie ennemie : des cadavres, des dépôts de matériel et de munitions, des fusils, des sacs, etc. … C’est bien l’affreux champ de carnage et d’horreur !

Nous sommes en réserve (le bataillon)
en avant de la côte de Froideterre, avec Douaumont et Fleury à notre gauche. Canonnade violente de la côte pendant tout l’après-midi. Pas de bombardement proprement dit sur nos propres positions. Mais plusieurs blessés sont signalés aux Compagnies qui sont en ligne ; impossible d’aller les chercher pendant le jour, aucun boyau, pas même de tranchée de 1 ère ligne à proprement parler. Dès que la nuit est arrivée, nous partons tous les brancardiers pour aller chercher blessés et morts que nous avons ordre d'ensevelir le plus vite possible. Ils sont plus de cent, épars çà et là dans des trous d'obus. Quelle horreur !
Arrivée en ligne fort pénible, il faut courir d’un trou d’obus dans un autre tandis que des fusées éclairantes sillonnent le ciel à tout instant, les balles sifflent, les grenades et les obus éclatent. Quel enfer !

Premier voyage presque uniquement composé de blessés qui pour la plupart étaient là depuis hier matin, quelles souffrances par conséquent pour eux !
La relève des blessés doit se faire à découvert et quel terrain, mon Dieu ! Ce ne sont que d’immenses entonnoirs ou trous dans lesquels on est obligés de dégringoler une fois ou l’autre dans l’obscurité. Les balles sifflent aux oreilles, et enfin on ne connaît même pas la direction à prendre. Ce sont des situations vraiment angoissantes !


- Jeudi 3 août 1916 - Minuit -

C’est à peu près vers cette heure-là que nous arrivons au poste de secours avec notre blessé qui a une jambe fracturée. On est littéralement brisés de fatigue. Un peu de repos, après lequel nous avons ordre de remonter chercher des morts. Entre temps, sur la droite de notre secteur, la querelle s’envenime, rien ne manque à la séance : bombes, obus, grenades, mitrailleuse, un feu d’enfer en un mot. Un de nos brancardiers ( 3 e Bataillon, Salvan, tambour) est tué tout près du P.S. par une balle en pleine tête.

Les équipes du 5 e Bataillon, elles, sont déjà reparties. Au retour, elles nous annoncent la chose la plus épouvantable que je puisse imaginer : mon confrère et ami M. l’abbé Foucras a été tué d’une balle en pleine tête et laissé sur place, mort. Mon Dieu quelle triste nouvelle ! Il n’y a que quelques instants que je causais encore avec lui.

Pauvre ami ! Il a encore été  grossir les rangs de toute cette élite de notre clergé dont la liste est loin de se clore encore ! Donnez-lui, Seigneur, le repos éternel et donnez aux siens le courage et la résignation.

La journée s’annonce des plus chaudes et des plus tumultueuses. Bombardement assez violent sur le « Ravin des 3 Cornes » où nous nous trouvons en réserve.

Quelques tués, en particulier 3 soldats de la 23e Compagnie, sont écrasés par une marmite. Parmi eux, un bon camarade, Sabatier F. de Millau, classe 1903 et père de famille. J’apprends aussi la mort du sergent fourrier Labougle (19e Compagnie) de Villefranche, du caporal fourrier Vraie ( Vray Raymond Camille)et de quelques autres connaissances. Ils sont tombés ce matin à l’attaque dirigée sur la tranchée ennemie, en un point que l’on a occupé, mais que l’on a dû abandonner. Blessés le lieutenant Chabot, probablement fait prisonnier,  lieutenant Pérou . Tués : sous-lieutenant Devauchelle, 18 e Compagnie, et plusieurs autres soldats.

Repos surtout pendant la journée, à cause de l’impossibilité où nous sommes de circuler à l’extérieur, car étant exposés à la vue d’un poste ennemi d’où une mitrailleuse nous tire dessus.

À 21 h, départ pour la relève des blessés et des morts. J’ai la direction d’une équipe de 16 hommes. Bombardement qui nous oblige à retarder notre départ pendant au moins une heure. Plusieurs lâches en profitent pour partir en arrière. Quelques minutes d’accalmie, et nous voilà repartis : marmitage continu, plusieurs autres s’arrêtent encore en route. Oh les lâches !

En arrivant à proximité des lignes, nous trouvons 2 blessés (sergent Fabre) dans un trou d’obus ; des camarades les emportent. Recherche d’autres blessés dans la tranchée, nous en trouvons encore 3, mais

nous ne sommes plus que 5 pour les emporter. Je me charge d’emporter seul le lieutenant Pérou. Marche excessivement pénible dans une mauvaise tranchée, encombrée de toute espèce de choses. ( Cette action sera mentionnée dans la première citation d'Ernest Olivié).

Enfin je puis trouver des brancardiers d’un autre régiment (20 e ) qui m’aident à transporter le blessé jusqu’au poste du ravin (soit « Ravin en T », soit « Ravin Hanté »). Mon blessé, un instituteur, est touché de mon effort, et quand je lui dis mon nom, il s’empresse de me dire : « Vous êtes prêtre ? Ah ! quels braves gens  vous êtes ! ». Il me parle avec émotion de la mort du regretté M. Foucras. Quelle satisfaction j’éprouve de contribuer pour une petite part à rehausser un peu le prestige du prêtre !
Vers 3 h du matin, je rejoins seul mon poste qui se trouve à une assez grande distance, sans incident. Un peu de repos bien gagné, mais vers 6 h …

- Journée du 4 août 1916 -

… le marmitage sur notre ravin reprend de plus belle. Je juge prudent d’abandonner mon méchant abri pour me réfugier au P.S.. Adieu le sommeil et le repos ! Les marmites nous font beaucoup de blessés et plusieurs morts aussi. D’un seul coup, 5 mitrailleurs sont fauchés, 4 autres grièvement blessés, l’un d’eux m’exprime le désir de recevoir les derniers sacrements.

Toute la journée, les obus continuent à pleuvoir, démolissant un grand nombre d’abris. C’est bien dur de rester ainsi sous un feu pareil. Mais Dieu me donne vraiment un grand courage, de sorte que je suis d’un calme absolu, d’une résignation complète aux décisions du Bon Dieu.

A la nuit, en avant pour la relève. Nos camarades sont un peu plus courageux. Nous ne descendons que des morts, tous les blessés de la journée ayant pu descendre d’eux-mêmes. Notre intention était de descendre le corps du regretté ami Foucras ; impossible de le retrouver, malgré une très longue et très périlleuse recherche dans le trou d’obus où il a trouvé la mort. Cela nous cause beaucoup de peine.

Le bombardement étant continuel, nous courons de sérieux dangers que Dieu veut bien cependant écarter de notre tête. A 2 heures, nous arrivons  sains et saufs, mais brisés de fatigue.

C’est un travail absolument accablant, la marche de trou d’obus en trou d’obus, avec un mort sur les épaules, étant fort pénible.
Repos le restant de la nuit jusqu’à 9 h. Combat à la grenade vers 3 h (15 h ?) dans notre secteur, et de nouveau vers 6 h (18 h ?) à notre droite.

- Samedi 5 août 1916 -

Nous ne recevons que quelques obus de temps à autre, mais sur notre droite le calme est loin d’être parfait. Probablement quelque nouvelle attaque s’y prépare. L’éclatement des obus boches remplit tout notre ravin d’une fumée épaisse, la crête qui est en face de nous est violemment battue. Intérieurement, je demande au Bon Dieu de garder les pauvres camarades qui sont ainsi exposés à un si terrible bombardement.

Il se confirme que d’autres régiments de notre Division ( 96e, 122e, etc…) ont fait du bon travail à Fleury et à Thiaumont. A Fleury , 600 prisonniers environ. Ce sera une bonne note pour notre 26e Corps.


J’apprends dans la soirée une nouvelle fort agréable
: je suis proposé pour une citation dont le texte n’est rien moins que flatteur ; je proteste un peu. Au fond j’éprouve une grande satisfaction à pouvoir ajouter mon nom à la liste déjà brillante des prêtres ou séminaristes qui ont mérité une citation ; tout cela contribue à relever le prestige du clergé et à faire apprécier à un juste point de vue sa valeur dans la guerre actuelle : bref, c’est toujours en fin de compte pour la gloire de Dieu. Deux autres de mes camarades sont aussi proposés.

Brancardier modèle, dévoué et courageux . Dans la nuit du 3 au 4 août 1916 a été relever un officier blessé depuis quinze heures et resté entre les lignes, l'a ramené sur ses épaules , sous un barrage puissant d'artillerie et a ainsi permis son évacuation . Le 4 août a de nouveau malgré le tir violent de l'artillerie , dégagé un groupe de mitrailleurs blessés et encerclés.( O.A. N° 401 du 20 septembre 1916.)


A la nuit, nous partons pour la relève. Pas du tout rassurant, le bombardement est violent dans le ravin que nous devons traverser. Dieu veut bien nous garder cependant, et nous n’avons aucun accident à déplorer. Quelques blessés à la 19 e, point aux autres compagnies. Nous descendons donc 4 morts, nous les ensevelissons avec 4 autres qui se trouvent sur place vers minuit. Notre cimetière présente un aspect bien triste, les obus boches le défoncent tous les jours, brisant les croix et déterrant souvent des cadavres.
Ce travail fini, nous devons partir à 15 pour aller vers la ferme de la Folie chercher des  tampons masques. Retour vers 22 h. Réfection et sommeil.

- Dimanche 6 août 1916 -

Lever vers 7 h 30. Je suis brisé de fatigue, mais j’éprouve une satisfaction très grande de voir que nous sommes utiles à quelque chose, tout comme le poilu qui, là-haut sur la crête, dans un trou d’obus, arrête le Boche.
Journée fort belle. Travaux divers à l’intérieur, le calme est sensible à côté des jours précédents. Je reçois le « Bulletin du Prêtre aux Armées », ce qui me permet de faire quelques lectures pieuses, le seul acte de piété proprement dit qui marque cette journée de dimanche.
On apprend que le soir,  vers 9 h, le régiment doit attaquer
. Bombardement très violent de part et d’autre durant toute la soirée. Plusieurs tués et blessés.
L’attaque se déclenche à l’heure dite et le crépitement des grenades dure bien une bonne dizaine de minutes, la canonnade se prolonge beaucoup plus et, vers 22 h 30 seulement, nous nous mettons en route pour la relève des blessés. Le résultat de l’attaque n’est pas connu ; on dit qu’il est  nul. N’empêche qu’on ne nous laisse pas partir, de crainte que les Boches ne contre-attaquent. Dans cette attente, nous restons toute la nuit, et nous ne montons même pas en ligne. Il paraît d’ailleurs qu’il n’y a pas beaucoup de blessés, mais les morts sont assez nombreux.


- Lundi 7 août 1916 -

Matinée plutôt calme. J’apprends encore une bien triste nouvelle, c’est la mort d’un confrère du 122e , l’abbé Garibal ( Adrien Louis François ) sergent fourrier 1ère Compagnie. Dieu veut vraiment choisir un grand nombre d’élus parmi nous, dans notre diocèse, et il prend les plus purs pour suivre « l’Agneau ». - « quocu unque ievit » (?)
Relève des blessés et des morts à l’heure habituelle, sous les marmites et les balles. Une mitrailleuse boche nous tire dessus, tandis que nous redescendons le ravin, avec notre brancard sur les épaules. Je fais 2 voyages, puis nous allons encore aux « carrières » chercher des tampons à gaz. Donc, je fais une bonne nuit de travail.

Les deux lettres suivantes, en provenance du "pays", font suite aux décès des abbés FOUCRAS et GARIBAL.

Lettre de M. BELMON de Rodez à Ernest OLIVIÉ :

+ Rodez le 11 août 1916    Bien cher ami,


C’est un acte de piété affectueuse très aimable que vous avez accompli à l’égard de votre pauvre ami en nous renseignant tout de suite sur ses derniers moments. Je vous remercie  vivement de tous les détails que vous m’avez transmis et dont je ferai usage à l’égard de tous ceux qui le regrettent.
 Votre lettre ne m’a rencontré qu’un peu tard, car j’étais absent de Rodez quand elle y est arrivée.   Je me suis hâté de rentrer et d’aller à St-Christophe ; la nouvelle y était déjà connue par diverses sources, mais on n’osait pas encore y croire tout-à-fait.
 Je plains tout spécialement ce prêtre si fervent dans sa simplicité, sympathique à tous ceux qui l’approchaient, et qui m’avait toujours honoré d’une grande confiance. Comme vous dites, il était bien de ceux que le Bon Dieu a coutume de cueillir durant cette grande épreuve.
 Cette mort, malgré l’affliction que nous ressentons de ne pas revoir un si bon confrère, n’a rien qui doive nous paraître bien triste. Le cher ami en ce moment n’est pas si à plaindre que nous tous, qui demeurons sujets encore à tant de surprises et de souffrances. Sa fin glorieuse fera beaucoup de bien surtout à la paroisse de St-Christophe, où il était aimé de tous. Il ne lui manquait plus que ce bon exemple à donner : l’immolation suprême, à la suite de ces chers jeunes gens que nous avons déjà perdus.
 Hier soir on nous a annoncé une autre victime qui lui ressemble bien : M. Garibal d’Aubin, que vous connaissez évidemment. Vous aurez appris sans doute cette nouvelle avant nous, puisque c’est toujours au même endroit.
 Avec M. Astorg nous allons mettre ordre aux petites affaires du cher M. Foucras qui nous en avait priés. D’ailleurs il nous a laissé sur ce point des précisions qui montrent quel était son esprit d’ordre et la délicatesse de sa conscience.
 Mon souvenir vous suivra plus attentivement encore ainsi que ma prière à travers vos nombreux dangers. C’est une vie bien dure mais bien belle que la vôtre, et la mort qui couronne de temps en temps ces sortes de journées doit être bien précieuse devant Dieu. Soyez plein d’espérance et de calme confiance malgré tout.
 Croyez-moi, mon très cher ami, votre bien affectueusement attaché en N.S.
     Signé :  Belmon.

Lettre du curé de Glassac à Ernest OLIVIÉ :

 Glassac le 10 août 1916                                                                +  Cher ami,

Ma lettre vous trouvera sans en douter au lendemain de la tourmente, au repos et à l’abri. Pierre Sérieye était passé avant vous avec le 246 e ; votre régiment doit l’avoir relevé. Il a passé 11 jours sous une lutte assez bénigne, avec des pertes légères (8 tués et 15 blessés pour les batailles de Pierre), la relève dans la nuit du 25 au 26 a été calme, sans presque pas de canonnement. Maintenant notre compatriote était à Beurrey à 11 Kil de Bar-le-Duc. Avant lui Charles Bedos du 110 avait occupé le secteur de Fleury ; beaucoup de tempête et de la boue ; les hommes en sortant des tranchées ressemblaient à des boules de terre. Voilà des Glassacois qui ont payé successivement le tribut personnel à Verdun ; j’espère que le bon Dieu nous les conservera encore. Estibal Justin avait écrit une lettre émue en arrivant.
Un neveu de la Supérieure de Marcillac, originaire de Ladeyrolles, m’avait lundi appris la douloureuse nouvelle que mardi votre carte du 3 m’annonçait. Je vous en remercie ; j’ai prié pour l’âme de ce charmant confrère (Note : il s’agit d’Adrien FOUCRAS, vicaire de St-Christophe-Vallon). A voir les évènements au-dessus des contingences et des calculs de ce monde, c’est une mort heureuse et féconde. Tomber ainsi dans l’exercice de la charité, en plein acte de dévouement, c’est plein d’assurance pour la victime et c’est un fond d’espérance pour les témoins du sacrifice.  Je pensais au pauvre vicaire en récitant l’office de St-Laurent « phrase en latin, illisible   … mortuum fuerit ipum solum manet ». Toutes les désolations issues du sentiment des pertes encourues ne doivent faire oublier aucune des conditions de la régénération chrétienne « semen martyrum semen christianorum », et la mort devient la vie aux yeux de Dieu. Que nous vivions selon les desseins de la Providence plus ou moins longtemps, nous devons mourir chaque jour pour que notre sacerdoce notre sacrifice soient efficaces.
Avant de vous répondre j’ai vu vos parents ; je leur ai donné de vos nouvelles. La maman a été contente d’en avoir ; elle en attendait avec impatience. Je me suis bien gardé de lui annoncer la mort de votre infortuné compagnon ; je ne crois pas même que le public le sache nulle part encore.  Lorsque votre maman saura que vous êtes loin et hors le secteur de Verdun, l’annonce n’inspirera plus les mêmes émotions. Votre frère aîné arriverait en congé vers le ?? août. Marius travaille de son métier en arrière pour les ambulances. Votre beau-frère de Capdenac est attendu pour Notre-Dame. A Labadie, une fille de Mazars (parisienne avec ses deux gosses), Clémence allait charger de la javelle pour Bousquet. Je rentrais dire service pour deux frères Bousquet de Puéchoultres d’Auzits tués l’un l’an dernier, l’autre cette année à la guerre. Mardi nous faisions le service de neuvaine de la pauvre Darie des Places, décédée la semaine dernière rapidement de sa maladie de cœur. Adrien a pu arriver pour l’enterrement et revenir pour la neuvaine. Il est au dépôt de Joigny, prêt à partir en formation pour on ne sait quelle destination. On n’avait pas de nouvelles d’Albert Bousquet ; il est probable que les lettres de Picardie sont interceptées dans la Somme. Henri Mazar s’impatiente un peu à Lyon. Alphonse Garibal avait un congé de convalescence pour sa blessure (mais pas grave) à Verdun ; de même Pierre Rieu pour l’égratignure reçue dans la Somme. Dans la Somme se trouve notre voisin Couderc, non loin de Péronne, depuis assez longtemps. Il a pris part à la ? offensive. Pierre et Joseph Sérieye n’ont pu obtenir de permission ; ce dernier pourtant étant dans la zone de l’intérieur. Nous avons eu le décès du père Andrieu de la Place ; circonstance qui avec celle de la mort de Darie nous a amené les abbés Sérieye et Andrieu à quelques jours d’intervalle. L’abbé Estibal était désigné pour une formation de Belfort ( ?). Il a protesté avec son viril état de prisonnier. Le colonel de Rodez en a déféré pour le cas  à ses chefs  hiérarchiques et l’abbé en attendant se trouve à Rodez depuis quelques quinze jours. Nous commencions à avoir la sècheresse dans le pays. Un orage hier au soir a amené sinon beaucoup de pluie au moins un rafraichissement de température. Les raisins épargnés par la grêle sont beaux ; les vignes ont bien profité du soleil qui a brillé longtemps sur le ciel du Vallon. Il me tardait bien d’avoir de vos nouvelles. J’en avais obtenu de votre sœur Clémence lors de la sépulture de Darie.
Nous tâchons de remplir notre devoir de l’arrière ; un des points en est dans la prière continuelle pour ceux qui combattent en avant. L’abbé Estibal ne s’est pas montré depuis son arrivée à Rodez. Il craint dit-il de prendre une permission lorsqu’un moment ou l’autre le colonel peut le demander.
 Avec  mes prières, cher ami, je vous garde et vous offre mes meilleurs sentiments de curé et de confrère.     J. Ladetz



- Mardi 8 août 1916 -

Matinée assez bruyante. Dès 3 h du matin, il y a encore des petites escarmouches à la grenade, qui nous coûtent encore cher. Les marmites boches aussi tombent bien sur ce qu’on peut appeler « la 1 ère ligne », c’est-à-dire une succession de trous d’obus.

MORT DE L'ABBÉ DITTE.

J’apprends que l’abbé Ditte du 5e bataillon est redescendu des lignes où il a passé 6 jours. Vers 3 h de l’après-midi, je vais lui faire une visite dans son abri situé presque en haut de la crête de notre ravin. Les marmites tombaient moins dans le ravin, l’abri était absolument insuffisant. Je le faisais remarquer à l’abbé Ditte et aux 2 camarades qui se trouvaient avec lui, et je les engageais à chercher ailleurs un refuge plus sûr.
Tout à coup, oh ! affreux souvenir, j’entends arriver une grosse marmite, en même temps je me sens renversé et recouvert de terre. J’arrive à me dégager, mais horreur ! je constate que l’abri est écrasé. Je vais vite appeler du secours et on se met en devoir de dégager les camarades, mais nous ne pouvons que constater leur mort. Ils ont été écrasés. Quant à moi, je n’ai que quelques égratignures et une petite foulure à la main gauche.

Je pleure désespérément la perte de mon pauvre confrère qui arrive si tristement après celle du cher Foucras. Oh ! mon Dieu, que c’est triste de vivre de telles heures !
Impossible de pouvoir porter un brancard, j’ai pour mission de me reposer en attendant ma guérison. Je n’en ai pas assez pour être évacué et, du reste, je n’y tiens pas trop. Je ne vais donc pas à la relève ce soir.
Entrevue avec l'abbé Caubel sergent au G.B.C. qui vient avec une équipe cherher nos blessés, très nombreux ce soir.

On apprend la mort du lieutenant Prévost ( Prévot André Philippe Octave). Avance boche à Thiaumont, arrêtée cependant.

Lettre de Tante Eugénie à Ernest.

St Bonnet le 8 août 1916

Bien cher Ernest,

Je réponds sans tarder à ta lettre du 3 que j’ai reçue hier avec plaisir et avec peine d’apprendre que tu es si mal placé, car il y a tant de difficultés à vous ravitailler, ça doit être bien mauvais et je souffre de te savoir souffrir.
Mon Dieu quelle tristesse que cette guerre ! Quand en verrons-nous la fin ? Ne te décourage pas, j’espère que Dieu et sa Ste Mère veilleront sur toi et te donneront la force et le courage de supporter toutes ces peines, au moins avec résignation, et ça te vaudra un poids de gloire pour l’éternité.
Je pense que tu as reçu le colis et la carte que je t’ai fait partir le 4 courant. Aujourd’hui je t’ai mis un poulet en conserve et je te l’envoie dans l’espoir qu’il t’arrivera pour le 15 août pour te procurer une petite douceur pour fêter N.D. Tu recevras aussi un pougne de Romans que j’ai prié une de mes amies de t’envoyer. Je souhaite que tu reçoives tout cela et que tu le manges en bonne santé. Je serais très heureuse si je pouvais te procurer un moment de plaisir.
Je n’ai pas eu de nouvelles de François (  
Ferriol, mari de Marie-Pauline Olivié, cousine germaine d'Ernest ) depuis qu’il est dans tes parages. Je suis assez inquiète à son sujet ; que le Bon Dieu ait pitié de lui aussi et de sa petite famille !
Baptiste doit partir en permission samedi, il est veinard lui. ... Nous avons une chaleur étouffante depuis quelque temps et il y a plus d’un mois qu’il n’a pas plu, aussi tout est sec. Si où tu es il fait aussi chaud, vous devez bien souffrir de la soif et aussi de la chaleur si vos abris ne sont qu’à 50 cm dans la terre.
Adieu cher neveu, je t’embrasse tendrement.

Ta tante Eugénie.

Mercredi 9 août 1916 -

Bombardement ordinaire. Attaque à 3 h du matin. Notre Capitaine Démaret de la 22e est tué en fonçant sur l’ennemi baïonnette au canon. Dans la journée encore, on apprend la mort du lieutenant Du Cayla ( Bruguière du Cayla Pierre). Pauvres gens, que Dieu ait leur âme ! Ils sont tombés bien consciencieusement.

Il est question de relève, mais rien de certain, sauf que tout le monde la désire beaucoup. Le commandant du 5 e Bataillon me prévient que je vais de nouveau passer à son bataillon, en remplacement des 2 bons confrères décédés. Cela m’ennuie, mais évidemment il est inutile de discuter, car c’est nécessaire.
Rien d’extraordinaire pour le restant de la journée. On descend des lignes les corps de Démaret et Du Cayla (Bruguière du Cayla Pierre) qu’on emporte jusqu’à Bras (Bras-sur-Meuse, rive droite de la Meuse, en aval de Verdun) pour être ensevelis dans quelque cimetière militaire.

- Jeudi 10 août 1916 -

Temps couvert, quelques gouttes de pluie. Journée assez calme dans l’ensemble. Ce qui n’empêche pas que nous recevions pas mal de marmites dans notre ravin et que certains points de notre secteur soient aussi violemment battus.
On parle déjà de relève pour un de ces jours. Le 95 e , le 122 e de notre division sont même, dit-on, remplacés ce soir par des régiments du 10 e Corps.


Le soir, relève des blessés et des morts, comme d’habitude. Peu de blessés, aussi les divisionnaires emportent nos morts à Bras ; là-bas leur corps pourra reposer en paix, tandis qu’ici les marmites boches défoncent notre cimetière.
Ne pouvant pas porter le brancard, je vais à la corvée d’eau à la Ferme de la Folie. Retour vers minuit.

- Vendredi 11 août 1916 -

A noter spécialement le bombardement très violent que nous subissons durant toute la soirée et même pendant toute la journée : 1 tué, 2 blessés, plusieurs ensevelis. Sur notre droite, attaque française à Thiaumont, d’où tir de barrage boche très serré. Point de blessé couché en ligne ce soir ; nos équipes ne descendent que des morts.
Bombardement durant toute la nuit. Vers 3 ou 4 h, nous entendons éclater des  grenades à proximité. Plus de doute, les Boches sont là. Ça ne dure que quelques minutes. Nous ne voyons point arriver de Boches. On apprend que ce sont les grenades françaises qui ont fait explosion à notre dépôt de matériel. Fausse alerte, grâce à Dieu.

- Samedi 12 août 1916 -

On répète que nous serons relevés ce soir. Dieu veuille qu’il en soit ainsi, car vraiment nous en avons assez ! Temps très beau. Bombardement des Boches, modéré mais continu.

Pas de relève cette nuit. Le bombardement est assez violent. Je vais à la corvée à la Ferme de la Folie, car je suis encore impuissant à porter le brancard, d’ailleurs il n’y a que des morts à descendre. D’après de nouveaux ordres, les divisionnaires doivent les emporter en arrière, c’est le seul moyen de leur assurer une sépulture honorable.
Encore un triste dimanche en perspective, sans messe, sans aucun exercice spécial. Je lis.

- Dimanche 13 août 1916 -

Rien de bien spécial dans la matinée. Je suis fort fatigué, mais je sais que je ne suis pas le seul. Pieuses lectures.
Bombardement boche intense sur notre ravin durant l’après-midi. Cinq ou six tués, et 7 à 8 blessés, dont plusieurs fort graves.
A 19 h, notre 23e essaye une nouvelle attaque contre un saillant de la ligne ennemie. C’est la 7 ou 8e attaque dirigée sur ce point – sans succès. Ce que les Boches gardent est bien gardé ! On apprend un peu plus tard que cette attaque a coûté la vie  à un de nos meilleurs officiers, le sous-lieutenant Bibloque, tué d’une balle en pleine tête.
Je dois monter à cette compagnie, cette nuit, pour remplacer un camarade brancardier légèrement blessé. Je sais que mon poignet fonctionne à peu près bien. J’y vais donc avec la corvée de ravitaillement.
Accès des lignes fort difficile, car on est obligé de traverser une crête que les Boches voient de tous côtés, terrain labouré d’une façon extraordinaire. On traverse l’
Ouvrage de Thiaumont ; il n’en reste que quelques pans de murs ou des restes de piliers en ciment armé avec de grosses tôles d’acier ; tout n’est plus qu’un monceau de ruines  dans lesquelles  s’abritent encore quelques réserves.
Arrivée vers minuit en 1 ère ligne, pas d’abri, il pleut. Quelques petits trous individuels dans les parois de la tranchée. C’est dans un de ces trous que je passe le restant de la nuit, grelottant de froid, sans pouvoir fermer l’œil.

Lettre de Clémence à Ernest

Labadie le 13 août 1916

Bien cher Ernest,

Ayant reçu ta bonne lettre nous faisant toujours le plus grand plaisir de savoir de tes bonnes nouvelles, mais qui, en même temps nous a causé la plus grande peine de te voir séparé de celui qui était ton plus grand ami.
Notre santé va toujours pour le mieux malgré les durs travaux de la saison et les grandes chaleurs qui nous esquintent encore plus que tous les travaux. Ces jours-ci il a plu un petit peu, ce qui n'a pas fait du mal, car tout séchait.
Nous avons reçu, ces jours-ci, des nouvelles de Marius ; il nous dit être en bonne santé et qu'à moins d'un accident, il était en sûreté et à l'abri des obus. Donc mon cher Ernest, il n'y a que toi qui es le plus exposé à tous les dangers. Tu es le plus fort, pauvre frère, pour supporter toutes ces épreuves, et le plus prêt à verser ton sang pour la patrie. Nous nous attendons à tout instant à recevoir d'un jour à l'autre de mauvaises nouvelles. Nous prierons bien ces jours-ci, surtout le jour de l'Assomption, pour toi et pour vous trois,  pour que le Bon Dieu daigne vous ramener sains et saufs auprès de nous deux. La pauvre Maman est dans la plus profonde désolation. Je tâche de la consoler de mon mieux. Baptiste doit venir en permission pour quelques jours, il arrivera sans doute demain ou après-demain.
Je pense que ma lettre te trouvera en bonne santé. Le bruit court que Delsol de la Berthoumarie a été tué, la nouvelle ne sera que trop vraie. Que de familles  dans le deuil dans cette affreuse guerre !
Louise est montée avec les petits, elle va très bien ainsi que Firmin, elle ne monte pas souvent.
Je ne t'en dis pas plus long, cher Ernest, reçois de nous deux - et de Marie de Tols qui est montée aujourd'hui avec la petite - reçois de nous toutes nos plus tendres baisers.


Ta sœur qui t'aime.    Clémence Olivié


Nota : Auguste DELSOL, cousin d'Ernest, soldat du 122e Régiment d'Infanterie
Tombé au Champ d'Honneur à Thiaumont près Verdun

Le 7 août 1916 à l’âge de 34 ans.     

- Lundi 14 août et mardi 15 août 1916 -

Je salue avec joie le lever du jour, tandis que les 75, sans discontinuer, rasent nos parapets pour aller s’écraser dans les lignes boches. Il arrive même assez fréquemment qu’ils nous fassent des blessés en éclatant avant d’arriver chez leurs destinataires.
Journée fort longue,  mais assez calme, du moins les Boches ne nous « marmitent » pas trop ; ils essaient en vain, leurs obus rasent nos tranchées et vont éclater plus bas dans le Ravin des 3 Cornes. En revanche, nos canons ne laissent guère de répit aux Boches : 75 et 155 s’abattent sur eux à qui mieux mieux.

C’est enfin la relève
.

Vers 11 h (23 h) le 270e arrive pour nous remplacer. Il faut bien attendre une bonne heure pour que les sections se soient relevées. Fort heureusement les Boches sont assez calmes. Cependant, au moment où nous traversons les ruines de l’Ouvrage de  Thiaumont, ils nous envoient plusieurs fusants qui, fort heureusement, ne partent pas. Cela nous donne des jambes pour traverser le terrible Ravin de la Mort qui justifie bien son nom. Mon Dieu, quel aspect épouvantable ! De pauvres malheureux sont en train d’y tracer un boyau. Après une heure d’attente aux Carrières, nous repartons pour rejoindre notre groupe de brancardiers à la ferme de la Folie.

Marche fort pénible le long du canal, on ne tient vraiment plus sur les  jambes ! On arrive à Verdun vers 3 h. Triste aspect de la ville ; les batteries en position dans les jardins au nord de la ville crachent la mitraille sans arrêt.
On fait la pause à la sortie de la ville et on se restaure un peu, on en avait grand besoin.
Nous avons encore 7 ou 8 km à faire pour arriver à  Nixéville où nous devons camper en attendant que les autos nous emportent. Nous y arrivons vers 8 h. Baraquements en planches, avec de la paille qui tente. On nous donne du bouillon et du café chaud ; cela fait grand bien.
M. Tersy consent à dire une messe à l’invitation des officiers. Bien qu’il ne soit pas à jeun il juge la raison suffisante pour se dispenser de jeûne ; je n’y assiste même pas, étant dans un état extrême de fatigue, aussi je me repose.


Suite du récit : Repos à Seigneulles.

 
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