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30 avril 1915 -
Le froid me réveille vers 3 h du matin. La pensée que je pourrai célébrer la Ste Messe dans l’église du village me fait grand plaisir. A 6 h 15 je puis en effet la célébrer ; quelques amis y assistent. Le grondement du canon se fait entendre très fort, et de l’autel je l’entends : cela me cause de l’émotion, je prie pour ces pauvres soldats qui à cette heure tombent morts ou blessés au champ d’honneur.
Le village où nous sommes n’a pas eu à souffrir de l’invasion, sauf pendant quelques jours. Le Boche, du reste, n’y a pas semé trop de ruines. Les paysans labourent paisiblement leurs champs tandis qu’au loin gronde le canon.
Soupe préparée en plein air. L’après-
Nota : Quand Ernest Olivié arrive dans la région de Suippes, une grande offensive française, appelée
"Première bataille de Champagne",
vient d'avoir lieu.
À présent, les deux armées se préparent pour la "Deuxième bataille de Champagne".
Samedi 1 er mai 1915 –
Ce matin la canonnade se fait moins entendre. On nous dit que les Boches ont planté le drapeau rouge sur leurs tranchées, c’est tout à fait « kolossal » ! A 5 h, messe. A 6 h départ pour l’exercice avec chargement complet. Chaleur torride ; il faut aller à 4 km de St Rémy vers la Croix-
Entre-
A 13 h 30 visite du major qui classe certains d’entre nous parmi les malingres. A 15 seulement, un peu d’exercice sur la route de la Croix.
Retour à 17 h. Souper. Rapport. Puis nous allons assister de loin au vol de nos aéros (avions) que nous distinguons fort bien à l’horizon, vers le nord-
Visite au St Sacrement, prière, chapelet. Quelques camarades se confessent pour faire la Ste Communion dimanche matin.
Dimanche 2 mai 1915 -
Temps nuageux. Lever un peu retardé pour moi, étant donné que je ne dis ma messe qu’à 11 h, afin de permettre à nos soldats d’y assister. Je ne chôme pas cependant : corvée de bois à près de 3 km d’ici.
A 10 h grand messe à laquelle je n’assiste pas, étant obligé d’assister au dîner de mon escouade pour réclamer la part qui me revient.
A 11 h je dis la Ste Messe : une soixantaine de soldats y assiste ; chant du credo et du cantique « Pitié mon Dieu ». L’art manque un peu, mais point l’âme : c’est touchant, tandis que le canon gronde au loin, d’entendre monter vers Dieu ces chants si mâles.
Dîner. Petite promenade. Vêpres à 14 h : chant bien exécuté mais auquel tout le monde ne participe pas. Pas de bénédiction de St Sacrement ; en revanche, mois de Marie. Plusieurs soldats y assistent.
Après vêpres, on nous prie de rentrer au cantonnement parce que le général de Langle de Cary, commandant la 4 e Armée doit venir le visiter. On l’attend en vain ; il vient cependant dans le village.
Après souper, promenade dans les environs, mais pas bien loin, puisqu’on ne peut pas s’éloigner de plus de 200 m. Prière à l’église. Coucher comme à l’ordinaire.
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Rien à signaler. Messe à 4 h 30. Exercice sur la route du Tilloy à 4 km (nommé Tilloy-
Mardi 4 mai 1915 -
Même exercice que les jours précédents sur la route au-
A 7 h du soir, mois de Marie à l'église du village : quelques soldats dans l'assistance. L'exercice est sans intérêt, sans même grande piété : une lecture à peine intelligible ; c'est la prière du diocèse, dont on ne saisit que des bribes, pas de chant, chapelet récité à la fin. La Bonne Mère se contente de peu ; elle doit tenir compte de la bonne volonté des gens, peut-
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Une longue marche est au programme de la journée. Départ à 5 h ½. Aussi, dès 4 h, je prends le chemin de l'église pour y dire la Ste Messe. Temps assez frais parce que sans soleil : idéal pour la marche. Itinéraire : St Rémy -
Le soir, repos jusqu'à 14 h. Lavage de 14 à 15 h. De 15 h à 16 h, revue du lieutenant qui se montre rigoureux et même assommant.
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Exercice en direction de Somme-
Retour après un trajet rapide. Je suis éreinté littéralement, et je maugrée contre notre lieutenant. Je ne suis malheureusement pas le seul. Soirée orageuse : nous la passons au cantonnement à faire des exercices de maniement d'armes. On m'annonce un changement de C nie. De la 33 e, je passe à la 34 e. Sans regrets ! ...
Le soir, mois de Marie à l'église, comme mardi dernier.
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Messe et exercice dans la matinée, comme à l'ordinaire, dans la direction de Somme-
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Marche militaire qui ne m'empêche pas d'aller dire la Ste Messe à l'église, à 4h. Mon lieutenant y assiste. C'est un moyen si excellent de sanctifier sa journée que de la commencer ainsi, par servir le Bon Dieu, que vraiment on serait bien insensé de le négliger.
Départ pour la marche à 5 h ½. Temps favorable parce qu'un peu de vent tempère la chaleur ardente. De St Rémy au Tilloy, 5 km. De ce village, nous remarquons le centre d'abat avec ses autobus aménagés pour le transport de la viande : 2 ou 3 nous croisent en route. Du Tilloy à la Croix-
Quel soupir de soulagement quand on arrive au cantonnement ! Soupe et repos jusqu'à 14 h, puis travaux de propreté : je vais laver un peu de linge dans le Bussy aux eaux blanchâtres et bourbeuses, dans lesquelles des milliers de chevaux viennent barboter pendant la journée et aux lieux d'abreuvoir surtout.
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Journée de repos et de prières. Je la commence comme la précédente par la Ste messe à laquelle viennent assister quelques bons camarades auxquels j’ai le bonheur de distribuer le pain des forts. Comme je demande à Dieu de les bénir, ainsi que nos braves soldats qui, en ce moment, sont exposés dans les tranchées voisines à la terrible mitraille que crachent sans cesse les gros canons que nous entendons tonner.
Après la messe, revue d’armes.
A 10 h grand-
Lundi 10 mai 1915 –
Messe et exercices comme d’habitude. Mon lieutenant vient assister à ma messe et y fait la Ste Communion. Il m’exprime le désir d’y venir tous les matins, et me prie de venir le réveiller.
Exercice dans la direction de la Croix-
Mardi 11 mai 1915 –
Rien à signaler, sauf le soir les exercices de la retraite à Jeanne d’Arc dont nous célébrons la fête dimanche prochain. C’est bien le moment d’invoquer cette bonne patronne de soldats qui va nous donner la victoire, j’en ai le ferme espoir.
Exercices peu violents pendant la journée. …. En campagne le matin, et exercices pendant une ½ h le soir à l’ombre d’un grand bois de pins.
Mercredi 12 mai 1915 –
Ste Messe à 4 h ¼. Départ pour une marche militaire à 5 h ½. Avant de partir, soupe, café à emporter avec bille de chocolat. Quels bons soins nous prodigue-
Jeudi 13 mai 1915 –
C’est donc aujourd’hui la grande fête de l’Ascension. Je dis la Ste messe à 5 h pendant que mon confrère M. Foucras entend la confession de 7 ou 8 jeunes gens, dont 2 ou 3 de mon escouade qui n’ont pas encore fait leurs Pâques. Mieux vaut tard que jamais, le Bon Dieu est si indulgent. J’ai le bonheur de distribuer une cinquantaine de communions, en commençant par mon lieutenant, M. …( ?), prêchant d’exemple devant nous tous.
Revues diverses dans la matinée. A 10 h, grand-
Dîner. Repos. Correspondance. Puis vêpres à 14 h. Soirée comme à l’ordinaire..
Vendredi 14 mai 1915 –
Rien à signaler pour la matinée. Service à Campagne à quelques kilomètres. Le soir, idem. A 7 h ¼, exercices de la retraite à Jeanne d’Arc. La canonnade se fait entendre très violente pendant toute la journée. Le soir elle continue, et à 8 h ½ on entend très distinctement les feux des fusils, par salves ou à volonté. On voit aussi dans la direction de Somme-
Samedi 15 mai 1915 –
Contrairement à la coutume ordinaire, nous n’avons pas de marche : exercice comme d’habitude après la Ste Messe. Service de sûreté en marche, avec longues pauses, dans la direction de la route de Reims à Paris. Nous remarquons un grand effarement dans les aéros, un va-
Le soir, travaux de propreté : on rend les effets de laine (tricot, gants, cache-
Lettre d'Ernest à ses parents, le 15 mai 1915.
Bien chers parents,
J'ai reçu la seconde lettre qu'a bien voulu m'envoyer Clémence. Je ne m'y attendais pas, ayant reçu la première deux jours auparavant. Avant de l'ouvrir, je craignais bien qu'il y eût quelque chose de nouveau, mais je n'ai pas tardé à être rassuré. Vous pouvez vous rendre compte que les lettres arrivent assez facilement, dans l'espace de 4 ou 5 jours. J'en suis fort content, je vous assure, car il n'y a rien de plus ennuyeux que d'envoyer des lettres qui restent en chemin, surtout quand on sait que tout le monde attend des nouvelles avec impatience. J'apprends tous les jours que la correspondance marche assez bien, puisque j'ai déjà reçu une réponse de Louise me disant qu'elle avait reçu ma lettre.
Elle me dit qu'elle est venue passer quelques jours à la maison. Surtout elle regrettait de ne pas avoir su notre passage à Capdenac. Elle serait venue me voir. Je le regrettais bien moi-
Nous sommes toujours au même endroit, tout à fait à l'abri des balles. Dieu sait jusqu'à quand durera notre situation. Nous, nous n'en savons rien et nous attendons avec patience les événements. Nous sommes vraiment si bien ici que personne n'est bien pressé de partir. Mais quand l'ordre arrivera, tout le monde fera son devoir avec courage. Nous n'aurons qu'à suivre l'exemple de nos camarades qui, dans le Nord, sont en train de faire de la très bonne besogne. Je crois que l'heure est venue de les rejeter au-
Le jour de l'Ascension, nous eûmes une messe magnifique : c'est un spectacle qu'on ne peut voir qu'au front, et qui remue jusqu'au fond de l'âme. Je n'en perdrai jamais le souvenir, et je bénis Dieu de m'avoir mis sous les yeux un de ces spectacles qui ont quelque chose du ciel.
J'ai écrit à Marius 2 ou 3 fois.
Je ne vous en dis pas plus long aujourd'hui car j'ai encore quelques lettres à faire, mais je ne tarderai pas à vous écrire de nouveau.
Prions toujours et ayons confiance en Dieu. Demandons-
Je vous embrasse affectueusement.
Votre fils et frère. Ernest
122 e Rég. Infanterie
34 e C nie Secteur 139
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C’est donc aujourd’hui la grande fête de notre chère patronne Jeanne d’Arc. On se plaît à évoquer cette douce héroïne. Elle qui a bouté les Anglais hors de France voudra bien nous aider encore une fois à chasser l’envahisseur.
Messe à 5 h suivie d’une longue action de grâce ; j’ai le bonheur de distribuer une trentaine de communions, en particulier à mon cher lieutenant qui donne par-
Du ciel il a bien fallu descendre dans la plus profonde réalité terrestre : revue d’armes pour changer ; puis à 8 h 30, corvée de lavage au ruisseau infect qui prend sa source non loin du village, et dans lequel les chevaux barbotent toute la journée (Nota : ce ruisseau s’appelle la Noblette). A 9 h 30 on rentre et on a tout juste le temps de rajuster un peu sa toilette pour aller à la grand-
L’église est déjà comble quand nous arrivons et tout le temps de nouveaux uniformes franchissent le seuil. La population civile occupe une bien petite place. Hussards, … ( ?), fantassins, artilleurs sont là, mêlés indistinctement. Tous recueillis au pied de l’autel, ils invoquent la bienheureuse héroïne. Les stalles sont spécialement occupées par les officiers qui ont à cœur de venir eux aussi montrer à leur troupe qu’ils veulent remplir leur devoir. M. le Curé nous adresse quelques mots bien sentis sur Jeanne considérée dans son patriotisme. Beaux cantiques exécutés pendant la messe, à la sortie cantate « à l’Etendard ».
Déjeuner à 11 h 30, repos, correspondance, puis à 14 h vêpres.
A la sortie, rencontre de notre ami Mazars avec lequel nous passons le reste de la soirée.
Suite du récit : St-