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Tout va comme on l'a annoncé. A 1 h 10 je me lève pour aller dire la Ste Messe ; mon ami et confrère Foucras vient un peu me sortir de ma torpeur. Le Bon Dieu me pardonnera, j'espère, d'avoir un instant hésité à aller l'immoler une dernière fois dans sa belle demeure de St-
Départ à 3 h avec sac complet qui me brise les épaules. On passe par Le Tilloy puis un chemin de traverse qui nous économise 7 ou 8 km. Marche fatigante à cause du poids dont nous sommes accablés, mais le temps est très favorable.
A 7 h on arrive au village. En un clin d’œil, nous sommes cantonnés, mieux qu'à St-
Une coquette église, récemment érigée et fort bien tenue, domine le village ; point de curé, elle est desservie par le curé de Dampierre qui se trouve à 4 km 400 d'ici.
Ici, les Boches n'ont pas eu le temps de détruire ; à ma connaissance, une seule maison est brûlée. Ce sont les Français qui, parait-
Les gens ont aussi l'air plus sympathique qu'à St-
Après la soupe, nous allons trouver le sacristain qui veut bien nous montrer le nécessaire pour célébrer la Ste Messe le lendemain matin. Nous profitons de notre visite à l'église pour faire de notre mieux la clôture du mois de Marie, chapelet, cantique "Souvenez-
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A 4 h ½ Ste Messe à la gentille église du village. Il n'y a qu'un calice ; nous devons nous le passer à tour de rôle avec mon confrère l'abbé Foucras.
A 5 h ½, exercice sur la route de Valmy. Après-
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A 4 h ½, messe. A 5 h ½, exercice. Vers 9 h arrive l'ordre de partir à VALMY : départ fixé à 13 h. On rentre et c'est pour préparer son sac. C'est avec regret qu'on abandonne ces cantonnements spacieux où l'on était si bien, ce gentil nid d'Herpont.
Il fait terriblement chaud, le sac brise les épaules. En avant quand même. On passe à St-
Au pied de la crête où elle se dresse, Valmy est bâtie dans un nid de verdure. La guerre ne l'a point éprouvée. L'église, surtout, me paraît attrayante ; elle se dresse à l'entrée du village dans un épais bouquet d'arbres.
Cantonnement infect. Nous devons loger en plein air sous la tente et sur la terre nue : nous en verrons bien d'autres. Nous dormons très bien.
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Messe célébrée à 6 h. Repos toute la journée, mais en réalité il faut déménager dans un nouveau cantonnement vaste et aéré (!). Nous allons y être fort bien.
Rencontre d'amis de Rodez, prêtres brancardiers : Caubel, Sirmain, Couderc du Faubourg. Nous sommes bien en tout une quinzaine de prêtres à célébrer la Ste Messe tous les matins. C'est un spectacle vraiment réconfortant que de voir, tous les matins à partir de 4 h, tous ces ministres de Dieu abandonner un instant leurs occupations pour immoler la Ste Victime, tandis que le canon gronde au loin.
Il y a même un peu de pittoresque car de-
Sous l'aube trop courte, on voit apparaître les gros brodequins militaires, surmontés de guêtres quelquefois recouvertes encore de la boue des champs de bataille, car plusieurs y vont, et pour accomplir des besognes peu intéressantes, telles l'ensevelissement des morts qui jonchaient les abords des tranchées depuis plusieurs mois. Combien Dieu cependant doit accepter avec joie les sacrifices ainsi offerts !
Dans l’après-
Remarquées aussi dans un coin, les tombes de quelques Turcs ; ici ce n’est plus la croix qui surmonte leur tombe, mais une simple planche sur laquelle est peint le croissant turc surmonté d’une étoile à 5 branches. Un « de profundis » sur toutes les tombes de ces braves, et je me retire, gardant plutôt une impression de tristesse.
Vendredi 4 juin 1915 -
À 4 h je me lève pour être prêt à dire la messe à 4 h ½. Au retour, nouveau bouleversement : dans la Compagnie, on sépare les territoriaux et réservistes des jeunes de la classe 1915. Quant à moi, je ne change pas parce que mon lieutenant veut me garder dans sa Compagnie. Je reste d’autant plus volontiers que j’ai déjà fait quelques connaissances parmi ces jeunes, et qu’il y a beaucoup de bien à faire parmi eux, pourvu que Dieu m’en donne la grâce. J’espère que ma présence parmi eux ne leur sera pas inutile. Je perds mon bon caporal Hue et cela m’ennuie beaucoup. C’est un petit sacrifice à ajouter à bien d’autres.
La journée me paraît bien longue, car je suis sans occupations précises.
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Journée encore consacrée à la propreté. Bain douche à Somme-
Il faut faire une dizaine de km pour arriver à Somme-
On ne peut repartir qu'à 10 h ½. La chaleur est atroce. Nous suivons la route couverte de poussière. Dans le bois voisin, nous voyons des campements de troupes. On traverse Somme-
Soupe et repos l'après-
Reçue aujourd'hui ma croix de prêtre soldat que mon lieutenant a bien voulu me faire envoyer.
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C'est la grande Fête-
Messe à 4 h ½. Travaux de propreté. Grand-
Dîner à 11 h ½ chez nos confrères soldats qui ont bien voulu nous inviter à partager leur déjeuner d'ordinaire, excellent du reste à tous points de vue, à cause du pays.
Tristes vêpres à 3 h ½, suivies de la procession du St-
Après la soupe, visite à la statue du général Kellermannqui domine la vallée et la plaine de Valmy.
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Rien à signaler.
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Marche militaire, départ à 3 h. Je me lève à 1 h pour aller dire la Ste Messe que me sert l'ami Bernard.
Itinéraire : Valmy, la Croix-
Repos dans la soirée. Grande surprise au retour de la cérémonie du Sacré-
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Rien à signaler.
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Fête du Sacré-
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A 4 h ½, je dis la Ste Messe pendant laquelle ma pensée est tout entière portée vers ce Divin Cœur en qui se concentrent toutes nos espérances. Je lui demande la victoire et la paix, la cessation de cette terrible guerre qui n'a plus rien d'humain puisque les prisonniers sont massacrés ; les armes employées sont absolument sauvages.
Quelques bonnes âmes sont venues s'approcher de la Ste Table : Dieu les en bénira.
Exercice matin et soir, comme à l'ordinaire.
Par une lettre de ma sœur Clémence, j'apprends la maladie de mon cher père : cela m'attriste beaucoup, et me propose de dire la Ste Messe le lendemain pour que Dieu lui rende la santé.
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Ste Messe à l'intention de mon père et de toute la famille. Travaux de propreté l'après-
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Belle journée pas trop chaude, mais surtout bonne journée pour nos âmes. À la messe de 4 h 15 une quarantaine au moins de communions, c'est toujours touchant. À la grand-
Beaucoup de soldats, mais hélas, peu de civils ou même de femmes ; c'est absolument dégoûtant de voir combien les gens sont par ici peu fervents : ils ne songent qu'à exploiter les soldats de passage, à les corrompre même ; ils laissent le Bon Dieu de côté et bien plus ils l'offensent. Vraiment -
Touchante procession de St Sacrement à l'extérieur de l'église. C'est toujours émouvant, mais combien plus ici ! Plusieurs centaines de soldats pieusement recueillis, tête découverte, chapelet à la main, font escorte à NS qui veut bien parcourir nos rues, marcher devant nous. A la fin de la cérémonie, consécration au Sacré Cœur de Jésus, prescrite par tous les évêques de France. Très belle invocation que NS doit agréer avec joie !
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Matinée consacrée au tir à proximité de Hans. Rien à signaler pour le reste de la journée.
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Matinée comme à l'ordinaire. La soirée me réserve une agréable surprise : je reçois la visite d'un bon ami de Rodez, séminariste de Carcassonne qui a nom Labadie : il profite du repos de son bataillon à Hans pour venir nous voir. Il me surprend en pleine sieste. J'ai le bonheur de passer la soirée avec lui, et c'est un plaisir immense pour moi de causer avec cet ami qui, déjà, est familiarisé avec la vie de tranchée qu'il mène depuis une quinzaine de jours. Elle ne l'a point démoralisé le moins du monde, au contraire, et j'ai le bonheur de connaître mon ami sous un jour autre que celui sous lequel je l'avais envisagé jusqu'ici : vrai courage, patriotisme mêlé d'un sang-
C'est cet esprit qui lui a inspiré l'idée de l'excellente organisation d'un petit groupe d'une quarantaine de camarades ; au repos ils se réunissent fidèlement tous les soirs pour faire leurs dévotions. Labadie, qui en est le directeur, leur adresse un petit mot pieux. C'est un petit cercle au front. Cela ne peut donner que d'excellents résultats.
La joie de revoir l'ami Labadie est hélas bien assombrie par la mauvaise nouvelle qu'il m'apporte : notre petit héros Castagné, adjudant (classe 13) a été tué ces jours derniers par une balle au front ; il est enterré à Somme-
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Marche militaire le matin : départ à 3 h. A 2 h je vais dire la Ste Messe pour le repos de l'âme de notre cher Castagné.
Itinéraire de la marche : Valmy, route de la Croix-
Beaucoup de poussière et pas mal de soleil. Je ne suis pourtant pas trop fatigué. Le soir, rien de nouveau.
Jeudi 17 juin 1915 -
Rien à signaler pour la matinée. Le soir vers 6 h, nous assistons au tir de nos canons contre un avion boche qui passe exactement au-
Vers 10 h du soir, arrivée d'un détachement du 122 e formé de 200 hommes et de plusieurs officiers, parmi lesquels notre ami et confrère le lieutenant Cros. Je le verrai demain.
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Journée marquée surtout par notre entrevue avec l'ami Cros qui nous apporte des nouvelles de Rodez.
Le soir on désigne 80 hommes de notre Cie à destination du 96 e ; je ne suis pas du nombre bien qu'il y ait 7 rappelés qui partent. Je n'aurais pas été trop content d'aller au 96 e, mais la joie et la satisfaction de faire mon devoir m'auraient donné du courage. L'ami Foucras part au 322 e avec beaucoup d'autres. Départ fixé pour le 96 e à samedi matin, pour le 322 e à dimanche matin.
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Préparation de départ pour ceux qui vont s'en aller : c'est un peu triste. Ces jeunes pensent à beaucoup de choses, mais fort peu pensent à préparer leur âme. Quelques-
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Journée de beaucoup la plus intéressante de ma campagne. Entrevue avec mon frère Baptiste à Ste-
Départ de Valmy à 5 h. Messe à 4 h. Un seul village sur la route : Braux Ste Cohière, puis route nationale jusqu'à Ste Ménehould où j'arrive à 7 h. Direction la gare de ravitaillement.
Tout à coup, de l'autre côté de la rue, j'aperçois mon cher frère. Instant inoubliable que cette rencontre, comme du reste les quelques heures, si vite écoulées, qui suivirent. Ce qui me procura une grande joie, c'est d'entendre immédiatement mon frère me suggérer l'idée d'aller assister à la messe. A 8 h, nous y assistons, à la chapelle St Charles. Côte à côte, nous prions pour la famille, pour les amis vivants et défunts.
Puis déjeuner froid sous les platanes. Promenade et causerie à travers la ville. Ensuite visite au cimetière, où nous nous mettons à la recherche de la tombe d'un de nos cousins, mort dans un hôpital de la ville. Tout est très bien entretenu, les tombes soigneusement étiquetées. Aussi notre recherche fut fructueuse. Ensemble nous nous agenouillâmes sur cette terre fraîchement remuée qui renferme tant de héros obscurs ou connus, nous priâmes et nous pleurâmes. Puis vers midi, séparation combien mêlée de joie et de tristesse !
Sieste à une ombre, puis je me mets en quête de vêpres, mais on ne les dit que les jours de grande fête ; ça m'étonne. A 3 h, retour à Valmy.
Lundi 21 juin 1915 -
Rien à signaler, sauf chez moi une grande dépression morale que j'attribue à cette entrevue avec mon frère, et au départ de mes meilleurs amis pour les tranchées. Je ne me mets pas assez sous la protection de Dieu.
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Rien à signaler.
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Marche militaire : 20 km que je fais assez allègrement. A 2 h du matin, je vais dire la Ste Messe. C'est pour moi une grande consolation.
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Rien à signaler.
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Idem. Nombreuses confessions le 26, c'est consolant.
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Journée de garde, triste par conséquent, mais le courage est revenu, et je suis tout de même assez content. Messe à 4 h. Puis je vais faire une courte visite au Bon Dieu à 8 h du soir.
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Rien à noter. Tir : j'ai la mention "très bien ".
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Fête de St Pierre et St Paul. Cette journée me rappelle de doux souvenirs, et me fait rêver à ce qu'elle aurait dû être pour moi et pour tous les amis du cours. Journée de grâces et de joie spirituelle. L'an dernier, ce fut la journée de mon diaconat. Cette année c'eût été le jour trois fois béni de ma prêtrise. Au fait, de quoi puis-
Si dans la béatitude céleste, il pouvait rester encore quelque désir inassouvi, ce ne pourrait être assurément que celui d'être prêtre. Je me fais un devoir en ce jour de célébrer le St Sacrifice à l'intention de mes amis, en particulier de ceux du cours, vivants ou morts. Pendant la journée, ma pensée revient facilement à ces grandes idées, malgré la fatigue corporelle.
Lettre d'Ernest à ses parents, le 29 juin 1915.
Au 122 e Rég. Infanterie
brancardiers -
Bien chers parents,
Je viens par ces quelques mots vous apporter de mes nouvelles qui sont toujours excellentes. Nous sommes toujours au même endroit, entendant seulement de loin le son du canon, qui ces jours-
Aujourd'hui jour de la fête de St Pierre et St Paul, je pense à la belle cérémonie à laquelle nous aurions tous pris part : je veux parler de l'ordination. Mais comme les choses sont changées ! Les dix qui aurions eu le bonheur de monter au St Autel pour la 1 ère fois, nous sommes tous soldats, ou plutôt je me trompe, nous ne sommes plus que 6 soldats, car 4 sont déjà tombés au champ d'honneur et chantent, car plus heureux que nous, les louanges de Dieu au ciel. Le souvenir de ces chers disparus m'attriste bien un peu en ce jour qui devait nous apporter tant de joies. Ce matin j'ai cru de mon devoir de célébrer la Ste messe à l'intention des confrères du cours, vivants et morts. Et comme je dois remercier Dieu de la grande faveur qu'il m'a faite en me faisant son prêtre, de préférence à tous les autres.
Je ne vous oublie pas auprès de Dieu surtout papa qui, je l'espère, va de mieux en mieux.
Noyer, le frère de la femme d'Albert Bousquet est avec moi ; il va toujours très bien, dites le à ses parents.
Je vous embrasse affectueusement. Ernest.
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Marche, donc messe à 2 h afin de partir à 3 h. Itinéraire : Valmy, Gizaucourt, Voilemont, St Mard s/ Auve, en tout 23 km avec sac complet sur un terrain glissant et sous une bonne averse de pluie. Mais l'entraînement est déjà poussé si loin que la fatigue est à peine sensible.
Le soir, repos. A 7 h ½, clôture du mois du Sacré Cœur. A 8 h, on nous annonce le départ de Valmy pour Somme-
Suite du récit : Cantonnement à Somme-