Forêt d'Argonne - 1 - 96e R.I. - 5e Cie. - La guerre des mines. Mort de Joseph VERDIER. - Ernest Olivié - Grande Guerre 14-18

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Forêt d'Argonne - 1 - 96e R.I. - 5e Cie. - La guerre des mines. Mort de Joseph VERDIER.

1916 > Forêt d'Argonne

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- Mercredi 6 septembre 1916 -

Vers 4 h on annonce notre départ pour 7 h. En hâte, je cours à l’église pour y dire la Sainte Messe. Après quoi, on se prépare à partir.  A 6 h 30 on embarque en auto et à 7 h roulez ! Nous passons par Erize-la-Brûlée, Rosnes, Erize-la-Grande, Erize-la-Petite et plusieurs villages dont je n’ai pas retenu les noms ; nous traversons Clermont-en-Argonne qui n’est plus qu’un amas de ruines.

Nous sommes en plein dans la forêt de l’Argonne. Aux Islettes, (flèche du clocher pendante), nous débarquons et à pieds nous nous enfonçons dans la forêt. Soleil brûlant, sac fort lourd avec le brancard. Beaucoup de traînards. Je rencontre mon ami et confrère M. l’abbé Rouvier de Rodez ; nous causons pendant une pause.
Vers 14 h 30 nous arrivons (1 er Bataillon) « au camp du canard ». Bons baraquements entièrement cachés dans la forêt : gentils ravins, sources abondantes, lavoirs etc… C’est superbe. Les lignes sont encore à 4 ou 5 km, mais l’épaisse forêt nous empêche de les voir. On s’installe du mieux qu’on peut et on passe la nuit dans le plus grand calme.


Quelle est la situation sur le front de la forêt d'Argonne en septembre 1916 ?


Extraits du site "le Chtimiste".

Ce texte « Les combats d’Argonne » est celui qui figure à l’entrée des cimetières militaires nationaux en Argonne. Il émane du ministère des Anciens Combattants et Victimes de guerre.


A l’issue de la bataille de la Marne le 13 septembre 1914, la 5e armée impériale allemande battit en retraite. Elle s’arrêta en pleine forêt d’Argonne où elle stabilisa son front en creusant des tranchées pour s’opposer à l’avance de la 3e armée du général Sarrail.

 Les opérations reprirent avec ténacité dès octobre (1914) lorsque l’ennemi voulut atteindre la vallée de la Biesme pour déborder le camp retranché de Verdun par l’ouest.

 Durant des mois, la lutte fut terrible dans le bois de la Gruerie où attaques et contre-attaques, guerre de mines, bombardements, guerre des gaz, se succédèrent sans répit.

 Le 8 janvier 1915, au combat de Bolante, Français et volontaires italiens, les « Garibaldiens », refoulèrent les assaillants qui progressaient vers le Four de Paris. Les semaines suivantes les Allemands avancèrent dans le ravin des Meurissons.

 Dans la vallée de l’Aire et sur la rive droite de cette rivière, les attaques françaises du 5e corps d’armée se développèrent contre la butte de Vauquois et le village de Boureuilles. La colline ne fut prise que le 1 er mars 1915 par la 10e D.I. après de multiples assauts meurtriers.  La Butte de Vauquois fut ravagée par la guerre des mines qui la creva de gigantesques entonnoirs.

 En juin 1915, la lutte reprit encore plus furieuse. Le 19, trois divisions allemandes attaquèrent le front du 32 e corps d’armée, après un violent pilonnage d’artillerie, ils prirent le saillant de Fontaine-aux-Charmes, dans le bois de la Gruerie. Les assauts continuèrent jusqu’en juillet. Les Français perdirent Fontaine Madame.

 Le 13 juillet 1915, l'ennemi lança une grande offensive précédée d’un tir de 50 000 obus à gaz, d’explosions de fourneaux de mines, dans le secteur de la Haute Chevauchée, de la Fille Morte et de la Cote 265. L’ennemi submergea tout en direction de Lachalade. Le 5e corps d’armée le contre-attaqua, le stoppa puis le refoula. Les 4e, 82e, 91e, 113e, 131e R.I., le 66e B.C.P. firent des assauts à la baïonnette pour reconquérir le terrain perdu.

Dès lors les Allemands renoncèrent à leur progression vers la Biesme et ils développèrent une systématique guerre de position à coup de mines et de bombardements qui dura toute l’année 1916.

 En 1917, le secteur s’assoupit puis du 26 septembre au 12 octobre 1918, l’armée américaine du général PERSHING et la 2 e armée française du général HIRSCHAUER s’emparèrent des buttes de Vauquois et de Montfaucon et nettoyèrent la forêt d’Argonne pour atteindre la ligne de front Rethel-Brieulles, en poursuivant les Allemands vaincus.



La "guerre des mines " en Forêt d'Argonne.

- Jeudi 7 septembre 1916 -

Nous ne pouvons pas célébrer la Sainte Messe, notre autel se trouvant à la voiture médicale qui n’est pas encore arrivée. La journée se passe à écrire. Après-midi, promenade dans les bois : nous faisons une bonne cueillette de champignons que nous faisons cuire le soir au beurre, délicieux repas ! Je récite mon chapelet sous les grands arbres à la nuit. Note du webmestre : la cueillette des champignons est profondément ancrée dans la culture aveyronnaise. La tradition perdure encore dans toute notre famille.

- Vendredi 8 septembre 1916 – Maternité de Marie

Sainte Messe vers 7 h : « privative ». A 8 h M. Fontan, aumônier brancardier du bataillon, célèbre la Sainte Messe en public : très  belle assistance. Il parle de Marie, notre mère du ciel, tous l’écoutent avec recueillement. A la fin, distribution de chapelets, de médailles et autres objets de piété : tout le monde en veut !
J’apprends que je passe au 2e bataillon. A midi je pars pour aller le rejoindre. Il est déjà aux tranchées de réserve à 4 ou 500 mètres des Boches. Je rejoins ma compagnie, la 5e . Bons abris partout, mais fort humides, beaucoup d’eau dans les boyaux. Secteur fort calme. En face de nous la « haute chevauchée », à gauche la « fille morte », fortes croupes dénudées et blanchâtres, vrais chaos semblables à des volcans éteints ; des entonnoirs de mines se profilent, partout ce coin a été le théâtre de luttes fort sanglantes en juillet 1915.
A présent, c’est la guerre des mines, pure et simple ; elle est rendue peu meurtrière par le fait que les deux adversaires font sauter les mines à des heures tacitement convenues, de sorte qu’on fait évacuer les positions pendant ces heures là et ainsi  on perd peu de monde. Mais les hommes du génie travaillant à ces mines sont fort exposés à l’asphyxie parce que la terre minée et reminée est infestée de gaz. Un moteur posté à 3 ou 400 mètres des lignes fournit l’air comprimé nécessaire pour faire tourner les perforeuses : c’est une belle installation. Des décauvilles apportent jusqu’en réserve la nourriture et le matériel en plein jour, grâce à la protection de la forêt
.

- Samedi 9 septembre 1916 -

Vers 6 h, violente secousse : c’est une mine qui a sauté. Nous apprenons dans la journée que ce sont les Boches qui l’ont fait exploser tandis que nous avions essayé ¼ h auparavant de la faire sauter par un camouflet qui n’a pas réussi ; malheureusement il y a des victimes chez nous : 3 blessés et 2 tués. Les mottes de terre ont causé ces accidents : l’évacuation n’a pas été faite assez loin.
A 7 h je dis la sainte Messe dans un ravin où une partie du bataillon se trouve en réserve. Journée calme.


- Dimanche 10 septembre 1916 -

J’ai laissé à M. l’aumônier le soin de fixer les heures pour les diverses messes. Notre bataillon sera bien le plus favorisé pour cela, puisque nous sommes 3 prêtres : M. l’aumônier va en dire une à la division ; M. Ressiguier à 6 h 30 dira la sienne au « camp Moissonnier » (ravin des …. ?) et moi-même à 9 h 30 au même point. Bonne assistance à cette dernière messe : beaucoup d’officiers et de soldats, mais un trop grand nombre de ces derniers s’en sont abstenus et ont continué à jouer, à s’amuser pendant le Saint Sacrifice : c’est bien triste de voir tant d’indifférence chez un grand nombre. Que Dieu ouvre le cœur de ces malheureux aux lumières de la grâce !
Rien de spécial pour le restant de la journée. Le temps est redevenu beau.


Lundi 11 septembre 1916

Sainte Messe à 6 h 30, je suis étonné de ne pas y voir un seul soldat en dehors des confrères. Je crois qu’à ce point de vue le nouveau régiment laisse bien à désirer ; je crois qu’on peut l’attribuer à plusieurs causes : d’abord, pendant longtemps, il resta privé de prêtre, de plus les pays de recrutement sont très indifférents.
Dans la matinée nous allons reconnaître le secteur qu’occupe le 1er Bataillon et que nous devons relever dans 2 ou 3 jours ; il est bien calme, mais le bouleversement profond du terrain témoigne de luttes antérieures fort dures et du genre de guerre à usage courant : guerre de mines de part et d’autre, d’où terrain agité même loin des entonnoirs, terrain et abris infectés de gaz provenant de la déflagration des poudres.
Les abris de ce fait sont très malsains et il faut y entretenir des ventilateurs. Au retour nous traversons un étrange tunnel creusé dans le roc par le génie et éclairé à l’électricité. C’est une installation vraiment envieuse et peut-on dire gigantesque.
Rien à noter pour la soirée. Mon frère Marius est en permission.

- Mardi 12 septembre 1916 -

Rien de sensationnel, en dehors d'une formidable lutte de bombes et torpilles qui a duré tout l'après-midi. Pas de mal à notre bataillon. Il est vrai que c'est surtout le 81e qui est à notre gauche qui reçoit et qui envoie aussi.

Au front.

- Mercredi 13 septembre 1916 -

Matinée comme à l'ordinaire. Ce soir nous montons en ligne. Préparatifs en conséquence. La pluie se met de la partie, en avant quand même ! Beaucoup de boue et d'eau dans les abris. Vers 18 h je monte en ligne pour retenir 3 places dans l'abri réservé aux brancardiers. Le secteur est bien tranquille. Notre Cie est à gauche du bataillon en liaison avec le 81e qui nous fait suite. Vers 20 h la relève : elle attire l'attention des boches qui se mettent à lancer des grenades. Un petit blessé très léger. Restant de la nuit calme.

J'attends la visite de M. l'aumônier pour qu'il veuille bien me dire où je pourrais dire la Sainte Messe. Vers 9 h seulement il vient me chercher et me conduit au poste de secours du bataillon qui est au beau milieu d'un long souterrain éclairé à l'électricité et creusé dans le roc à plus de 10 mètres sous terre. C'est une grande joie pour moi de pouvoir immoler la Sainte Victime et je prévois que cette joie me sera donnée à peu près chaque jour grâce à la tranquillité du secteur et aussi à la complaisance du commandant de ma Cie qui est fort bien au point de vue religieux.
Le restant de la journée est calme, mais toujours de la pluie. Le soir vers 11 h échange tumultueux de bombes et d'obus qui, grâce à Dieu, ne fait pas de victime chez nous.

- Jeudi 14 septembre 1916 -


Rien de spécial à noter pour la journée. Dans la matinée les Boches font exploser une mine au secteur du 81e, nous n'en ressentons qu'une secousse un peu violente sans aucun accident.  Quelques bombes échangées dans la journée.


- Vendredi 15 septembre 1916 -

Sainte Messe à 7 h au même lieu.
Dans l'après-midi, violent bombardement réciproque de bombes, malheureusement les Boches nous font des victimes, un de nos guetteurs est tué à son poste d'écoute, d'autres blessés. Une autre bombe tombe au milieu d'un groupe de soldats à 300 mètres des lignes : 5 sont tués sur le coup et terriblement mutilés, on doit ramasser sur le sol leurs membres épars et déchiquetés.



Lettre de L.Poujol à Ernest Olivié.

15 -7bre - 16

Bien cher Ernest



C'est à deux de tes lettres que j'ai à répondre, la première dans laquelle tu m'annonçais comme une chose imminente ton passage au 96e , la seconde qui présente la chose comme un fait accompli. Je suis très heureux de te voir content et pas trop mal à ta nouvelle place. Par exemple quel est ce médecin que tu qualifies de "mon ancien médecin-chef" ? S'il s'agit de celui que nous avions à mon groupe au début de la guerre, je te plains : il est difficile de trouver un être plus prétentieux et plus bête. Donne-moi des renseignements dans ta prochaine lettre.
Ton secteur ne me sourit guère. L'Argonne m'a toujours paru trop sombre pour être un secteur intéressant, et son voisin, celui de la Champagne, trop découvert pour valoir davantage. Ce sont pourtant des coins relativement tranquilles comparativement à ceux de Verdun et ceux de la Somme.

J'ai reçu, en même temps que ta dernière, une lettre de Privat et une d'Estéveny. Le premier est toujours en Champagne. Le second jouit en paix des prérogatives de l'officier à Mende (?). Il ne peut pas s'en plaindre, malgré qu'il sente un peu que cette vie n'est pas faite pour durer longtemps pour lui. Je vais lui dire d'y rester le plus possible : il a gagné cela, et puis les confrères du cours restent en si petit nombre qu'on aime de les voir en sûreté.

Quant au gros Verdier, rien depuis longtemps déjà. D'après ce que j'ai compris à un article de Marcel Hutin de l'Echo, il doit se trouver actuellement dans la Somme, un peu à droite du secteur que nous occupions nous-mêmes. Raison de plus pour donner au moins signe de vie.
Palayret m'écrit d'un secteur de l'Argonne mais appartenant encore à celui de Verdun.

Plus rien de Rodez. Les nouvelles de là-haut m'intéressent d'ailleurs de moins en moins, je te l'ai dit déjà. D'ailleurs si les permissions continuent à marcher comme ces jours-ci et que d'ici une quinzaine il n'y ait rien de nouveau, je crois bien être là-haut pour la troisième fois. Mais que  de si ! Enfin ça viendra, j'espère avant la fin de la guerre qui n'a pas l'air d'être si rapprochée ! Quand donc M.M. les Russes et les Anglais surtout seront-ils prêts ? Va-t-on encore laisser envahir la Roumanie ? !

Ici la vie n'est pas pénible. Elle est même très agréable ; on a à peu près tout ce que l'on désire. Notre séjour ne s'y prolongera plus guère, probable.

Union de prières et en N.S.
sentiments affectueux.

L.Poujol


- Samedi 16 septembre 1916 -

Rien de spécial à noter pour la matinée. Les corps de victimes avec celui d'un lieutenant du génie asphyxié dans une mine, sont transportés à la maison forestière où on doit les inhumer.

Dans l'après-midi je reçois l'ordre du médecin chef de me rendre au cimetière pour tâcher d'obtenir des cercueils pour tous ces morts. J'y vais sous la pluie et obtiens gain de cause. L'enterrement a lieu à 15 h : beau petit défilé où figurent des hommes avec ou sans armes, des officiers, etc.... M. l'aumônier du bataillon fait la cérémonie suivant tous les rites : c'est fort bien. Après cela nous rentrons tranquillement. Tout est calme.

- Dimanche 17 septembre 1916 -

Sainte Messe à 7 h au poste du tunnel, mais pas un seul soldat n’y assiste. Cela me cause du chagrin.  Il est vrai qu'à 10 h M. l'aumônier doit célébrer une 2e  messe. Je dois dire cependant que notre commandant avec son capitaine adjoint arrivèrent vers le milieu de la mienne : je l'avais sans doute commencée trop tôt.
Temps pluvieux et sombre ; les boyaux deviennent des torrents de boue, les tranchées s'éboulent. Nous sommes bien forcés de rester dans nos abris où l'eau ruisselle partout. Une petite mortification qui tiendra lieu pour aujourd'hui de nos offices du dimanche dont nous sommes privés.

- Lundi 18 septembre 1916 -

Rien de spécial à noter. La pluie continue de tomber sans arrêt. Vers 10 h du soir, nous sommes appelés auprès d'un soldat intoxiqué par les gaz des mines, nous recevons une averse formidable et, à tâtons à travers les boyaux à moitié pleins d'eau, nous conduisons le malade au poste de secours. A 0 h 30 seulement, nous rentrons de nouveau au poste.

Au camp de Monhoven.

- Mardi 19 septembre 1916 -

Aucun accident ni incident durant la journée, la pluie continue à tomber, aussi c'est avec plaisir que nous voyons arriver les camarades qui vont prendre notre place.
Vers 21 h 30 nous arrivons au camp de Monhoven, à 7 ou 8 km des lignes. Là, nous trouvons de bons baraquements propres et bien aménagés. Nuit réparatrice.


- Mercredi 20 septembre 1916 -

Sainte Messe vers 6 h 30. Bains, douches pendant la journée.

- Jeudi 21 septembre 1916 -

Rien de spécial à noter. Je fais la lessive pendant toute la journée.


- Vendredi 22 septembre 1916 -

Sainte Messe vers 6 h 30. Travaux divers. Chapelet le soir dans la forêt en compagnie des abbés Ressiguier et Véron.
L'explosion inattendue d'une mine fait 12 victimes au 3e  Bataillon.


Samedi 23 septembre 1916 -

Sainte Messe à 5 h pour permettre à l'ami Véron, séminariste, d'y assister. Depuis 4 jours que nous sommes au repos, ils ont dû aller travailler en corvée sous les ordres du génie, et la plupart n'ont même pas le temps de laver leur linge. C'est une de ces choses que l'on ne comprend pas dans ces temps de guerre : pour quoi donc est fait le repos si ce n'est pour se nettoyer un peu ?... Il est vrai aussi qu'on veut surtout empêcher les hommes de se laisser aller à l'inactivité, but excellent, mais dépassé semble-t-il en l'occasion. Ainsi j'apprends que même demain dimanche, les compagnies devront fournir les corvées habituelles pour le travail du génie.

- Dimanche 24 septembre 1916 -

Sainte Messe à 6 h 30 dite par M. Ressiguier, personne pour y assister, c'est lamentable. A 7 h je dis la mienne : quelques bons vieux territoriaux des environs viennent y assister ainsi que notre brave commandant. A 9 h 30 M. l'aumônier célèbre la Sainte Messe en plein air, puisque toutes les corvées étaient rentrées du travail et cependant, bien maigre fut l'assistance; ce n'est pas brillant, l'état d'esprit au point de vue religieux, de nos braves poilus ; c'est même navrant pour un cœur de prêtre, combien nous devons prier pour ces pauvres gens ! Quelques chants pendant cette messe.

Le soir promenade avec MM. Ressiguier et Véron sur la grande route en récitant notre chapelet et notre prière du soir. M. Dufeu est parti en permission, sa citation à l'ordre de l'armée a paru aujourd'hui.

Au front, en réserve.

- Lundi 25 septembre 1916 -

Préparatifs de départ.  Sainte Messe vers 7 h. Rien à noter pour la journée.
Vers 4 h du soir nous partons pour aller prendre de nouveau position en réserve. Nous y arrivons vers 18 h. On mange la soupe un peu plus tard et puis on s'endort tranquillement, non sans avoir récité prière et chapelet avec MM. Ressiguier et Véron. Nuit tout à fait calme.
J'apprends avant de m'endormir, par les journaux, que les Anglais ont descendu 2 Zeppelins en Angleterre ; l'un d'eux a été brûlé tandis que l'autre a atterri sans que son équipage ait eu du mal : on l'a fait prisonnier.

- Mardi 26 septembre 1916 -

Sainte Messe à la chapelle du ravin à 6 h 30. M. Sahut, aumônier  du 81e  y vient dire aussi la sienne. Avions français actifs ce matin. Ma citation à l'ordre de l'armée parait dans la décision du 25 septembre : cela me cause évidemment de la joie. Mais au fond, quel mérite ai-je personnellement, car il est clair que je n'ai fait que mon devoir. Il est vrai que beaucoup ne l'ont pas fait ! D'ailleurs, c'est à Dieu qu'en revient la gloire, puisque ce sera en l'honneur de l'un de ses prêtres. Qu'il en soit béni !

- Mercredi 27 septembre 1916 -

Rien de particulier en dehors du bombardement violent de bombes qui se déchaîne dans le secteur durant l'après-midi. Notre artillerie elle aussi rentre en jeu. Le soir à  la nuit nous faisons nos dévotions en nous promenant sur la grand-route.

- Jeudi 28 septembre 1916 -

Sainte Messe avec plusieurs assistances et communions, c'est déjà bien plus consolant. Journée à l'ordinaire. Nouvelles de la guerre très bonnes, Combles et Thiépral (?) pris, beaucoup de prisonniers et quantité de matériel pris.


- Vendredi 29 septembre 1916 -

Journée sans événement notable. Je vois le bon père Sahut, notre aumônier de brigade, qui me fixe l'heure des offices pour la journée de dimanche afin que j'en fasse part à notre commandant. Notre aumônier de bataillon étant en permission, je dois le remplacer.
On nous annonce que nous allons avoir notre cuisine à part,  à cause des grands inconvénients qui provenaient de ce que nous mangions chacun dans notre escouade.



Lettre de J. TRÉZIÈRES – Hôpital B – Bourbourg ( Nord, près de Dunkerque).
M. E. OLIVIÉ – Brancardier – 5 e Compagnie – 96 d’Infanterie – Secteur Postal 139

29 sept. 1916
Mon cher ami,


Je suis tout confus de n’avoir pas encore répondu à ta récente lettre : le temps me manque moins qu’à toi très certainement. Sais-tu ce qui se prépare : on dit que nous allons passer dans la biff à peu près  tous. Ce serait imminent. De plus, impossible d’obtenir que l’on soit affecté comme brancardier rég. : 3 d’ici ont fait une demande presque en même temps que je t’envoyais ma dernière lettre et rapidement une réponse négative est arrivée. Je pense donc n’avoir autre chose à faire qu’à attendre patiemment l’heure de Dieu. Que sera-t-il de moi plus tard ? Je l’ignore totalement. En tout cas, je me promets bien de ne pas mijoter en arrière et si possible d’arriver à faire les fonctions que tu remplis. C’est là que l’on peut faire le plus de bien. Je regretterai cependant beaucoup ma messe de tous les matins. En attendant tous ces changements, j’espère bien profiter plus encore que par le passé des avantages – à laisser. Je voudrais que ma prière soit plus ardente. Je pense beaucoup à toi et à ceux qui sont privés souvent de monter à l’autel. Je souhaite que ta situation nouvelle te donne toute satisfaction. Sais-tu


où est passé mon ami Riveyrol ( ou Raveyrol  ) ? Est-il au 122e ou bien autre part ? Je n’ai plus de ses nouvelles. Pour moi je suis toujours fort tranquille à l’hôpital. Quelques malades plus graves – un dont la fin approche donnant du travail assez pour que je ne rougisse plus d’être ici. Il se peut que j’aille à nouveau en permission sans trop tarder. Je ne le désire pas énormément : ce sera la 4e fois, et tant d’autres n’y sont pas allés encore la 2ème. Il est vrai que j’en sais qui sont revenus  de leur 5e voyage. Pourras-tu aller bientôt toi-même te reposer de tes fatigues. J’avoue ne pas comprendre encore comment on peut résister aux travaux, aux souffrances et aux intempéries que supporte un combattant. Je ne serai pas fâché le moins du monde d’aller éprouver tout cela par moi-même. J’espère aussi qu’il me sera donné de contribuer pour ma part et d’assister activement au coup final. Quand sonnera l’heure ? Dieu seul le sait, et on oublie trop que lui seul peut le faire sonner mais je veux espérer qu’elle ne tardera pas trop. Je vis au milieu de blessés de la Somme. Leur moral est en tout point excellent.
Que Dieu te garde toujours de tout mal et t’accorde l’immense grâce de faire beaucoup de bien. Je prie pour toi chaque jour. Ne m’oublie pas trop dans tes épreuves. Ton ami en NS.
Signature.


- Samedi 30 septembre 1916 -

Sainte Messe à 6 h. Travaux au P.S. dans la matinée. Pendant l'après-midi, je m'occupe à orner notre petite chapelle pour la messe militaire de demain. Les fleurs sont rares dans ces parages, je me contente des fougères, de la mousse et de quelques autres feuillages, l'ensemble ne sera pas mal cependant.
Le soir, prière et chapelet avec M. Ressiguier.

- Dimanche 1er  octobre 1916 -

J'assiste aux messes basses de M. Ressiguier et de M. l'aumônier. Quelques communions à chacune d'elle. A 9 h grand messe célébrée par moi-même. Assistance importante bien que 2 compagnies, la 5 et la 6, n'apportent aucun contingent : elles sont éloignées de la chapelle et, en outre, on ne leur donne aucune facilité pour s'y rendre.
C'est triste de voir le peu de soucis qu'ont nos chefs de laisser à chaque homme la faculté d'accomplir ses devoirs les plus sacrés, les devoirs envers Dieu. Chants bien exécutés et entraînants grâce aux "petits paroissiens" que M. l'aumônier a bien voulu distribuer à profusion. A la fin de la messe, il veut bien nous parler de saint François dont la fête sera célébrée dans le courant de la semaine qui vient.

Aux premières lignes du front.

Dans la soirée, préparatifs pour monter en ligne ce soir, relever le 1er bataillon. Départ vers 18 h (Changement d'heure : heure nouvelle ou plutôt ancienne rétablie depuis la nuit dernière). Relève sans incident. Nuit paisible.

L.Poujol Brigadier Infirmier 9 e d'Artillerie   4 e  Batterie     S.P. 148
à
Monsieur Olivier  Brancardier  96 e  d'Infanterie  5 e  Compagnie   S.P.139

+     1er 8 bre 16


Bien cher Ernest


Ta lettre du 24 7 bre ne m'a pas appris la triste nouvelle, elle n'a fait que raviver en moi le pénible souvenir. Dès qu'il l'a connue, Estéveny me l'a transmise et encore Mouly. De sa vérité et de sa réalité je ne garde pas le moindre doute, bien que je n'aie jamais entendu parler du lieu présumé où serait tombé  notre pauvre ami Verdier St Pons, vers Péronne. Les mauvaises nouvelles sont toujours vraies, ai-je souvent entendu dire et ce n'est que trop réel. Tout ce que tu dis et ce que tu penses pour moi, je le sens comme toi, seulement je ne tiens pas à m'étendre du tout là-dessus. Trop de choses à la fois, regrets, douleurs amères, déceptions etc. se pressent dans mes facultés pour que je songe à les exprimer et je répète que le jour des larmes n'est pas venu. Seulement, plus on avance et plus on se sent dans le vide, ceux qui devaient vivre vraiment avec nous nous quittent peu à peu, et en somme, le mieux serait de les rejoindre au plus tôt. Mais Fiat Voluntas ! pour si douloureuse qu'elle puisse être au bout, la récompense.


C'est en compagnie des confrères du cours déjà partis que nous devons nous retrouver souvent en Dieu.  L.P.


P.S. Dans un secteur de tout repos dans l'Oise depuis 10 jours. Tout à toi. L.Poujol


- Lundi 2 octobre 1916 -

Sainte Messe au tunnel vers 6 h 30. Dans la matinée désinfection, correspondance, récitation du Saint Office. Journée très calme et très belle. Malheureusement dans la soirée la pluie se met à tomber.

- Mardi 3 octobre 1916 -

La pluie est tombée sans arrêt durant toute la nuit, aussi les boyaux et tranchées sont inondés, c'est bien désagréable de circuler. Je vais au tunnel, mais impossible de dire la Sainte Messe faute de servant ; il me répugne de la dire tout seul. Je suis bien chagriné de ce contretemps qui me prive de la plus grande action surnaturelle de la journée. Journée triste et pluvieuse.

- Mercredi 4 octobre 1916 -

De bonne heure, vers 5 h, 3 camouflets (charge explosive souterraine utilisée pour provoquer un éboulement dans une galerie ennemie) ou mines explosent sans dégâts dans notre secteur. Mais un peu plus tard, il n'en est pas de même. En plein dans notre secteur, une mine explose de notre côté : secousse très violente. Par malheur un lieutenant (Monsarat) et 2 grenadiers se trouvaient justement à cet endroit. Le lieutenant nous arrive tout contusionné et légèrement blessé à l'arcade sourcilière gauche ; quant aux 2 grenadiers, on ne peut plus les retrouver. Ils ont dû être ensevelis sous le flot de terre et de pierres. Nous descendons notre blessé au P. S. vers 6 h, marche très dure dans les boyaux détrempés.
Sainte Messe avant de remonter. Un peu plus tard, une balle frappe en pleine tête un caporal. Vraiment c'est pour nous la journée sanglante : impossible même de lui donner une dernière absolution car il faut aller à découvert et d'ailleurs, il a été tué net. Dans l'après-midi, nous le retirons et le descendons au P. S. La pluie recommence à tomber vers le soir.


- Jeudi 5 octobre 1916 -

On dégage le corps d'un des 2 grenadiers. Nous le transportons au P.S. vers 10 h. On espère retrouver le corps du 2 ème. Pluies torrentielles par instants : c'est triste. Grand calme dans l'après-midi. C’est en aménageant la lèvre sud de l'entonnoir que nous devons découvrir le corps du 2 ème grenadier complètement enseveli : on le dégage et nous le transportons au P.S. Prières, lectures le soir au fond de la cagna, tandis que la pluie au dehors tombe fine et pénétrante.
Triste nuit pour les pauvres sentinelles qui, la toile de tente sur les épaules, guettent au créneau.

- Vendredi 6 octobre 1916 -

Encore une nouvelle journée de pluie, décidément nous allons en avoir pour 6 jours ! Sainte Messe vers 6 h au tunnel. Rien de spécial à noter pour la journée : calme dans notre secteur. Lutte violente de torpilles à notre gauche au 81e .

Lettre  bordée de noir de Marie FOUCRAS, soeur de l'abbé Adrien FOUCRAS, tué à Verdun au mois d'août dernier.

J.M.J.   Lardeyrolles        2 o bre 16

Cher monsieur l’abbé,

 Nous avons reçu ces jours-ci votre lettre du 23 septembre ainsi que le texte de citation que vous y avez joint.
 On vous remercie beaucoup de tout cela.
 Nous avons fait imprimer quelques images « souvenirs » de mon très regretté frère ; on  vous en enverra une prochainement. Quantité de parents désiraient que la photographie y soit jointe et cela a demandé un peu plus de travail ce qui n’est pas encore tout à fait terminé.
 En apprenant le triste évènement on a eu la tête si bouleversée qu’on n’a pas pensé à vous dire de retirer pour vous-même les colis envoyés à mon pauvre frère, du moins veuillez recevoir une petite boîte qu’on vous envoie en même temps que la lettre.
 Joseph nous écrit régulièrement, toutes les semaines ; il nous dit que sa blessure va mieux de jour en jour ; il nous a envoyé une carte photogr ; il est blessé à la tête à la joue gauche.
 Sa dernière lettre était datée du 11 7 bre il n’avait encore rien reçu et de fait elles n’avaient pas eu le temps de lui être parvenues car les siennes mettent 18 à 20 jours et on a pu lui écrire que vers le 3 septembre.
 Il nous dit qu’il (a) pu assister à la messe pas mal de dimanches, s’approcher des sacrements etc il ne se plaint pas du tout sa seule préoccupation est d’avoir des nouvelles de son frère et de nous tous.
 Hélas ! celles de son frère sont si tristes ! On a résolu de le lui dire car en effet on n’aurait su le lui cacher longtemps. Je prie et j’espère que le bon Dieu lui donnera la résignation. Mr le curé de Ladeyrolles est mobilisé depuis quelques temps. Alors on en a chargé ma sœur religieuse de lui communiquer la triste nouvelle.
 Soyez assuré d’un souvenir dans nos faibles prières.
 Et veuillez agréer cher Mr l’abbé avec tous nos remerciements l’expression de nos meilleurs sentiments.

Marie Foucras



En réserve, au Camp Messonnier.

- Samedi 7 octobre 1916 -

Rien de spécial à noter dans la journée. Le soir vers 18 h, nous sommes relevés ; la 6e  et la 7e  vont au repos au camp Monhoven. La 5e et mon équipe par conséquent, reste au camp Messonnier (ravin des Meurissons) en réserve. ( Note : Le Ruisseau des Meurissons se jette dans la Biesme au village détruit de Four de Paris. La ligne de front est très proche). La pluie se met à tomber avec violence, de sorte que nous ne sommes pas fâchés de ne pas aller plus loin. Très mauvais abris infects et mal aménagés.

- Dimanche 8 octobre 1916 -

Sainte Messe à 6 h. Quelques communions. Plusieurs autres messes sont célébrées ensuite et à chacune il y a des communions.
Malheureusement, la pluie se met à tomber avec violence, le ciel est couvert, de sorte que nous ne pouvons pas espérer du beau temps pour notre grand-messe, de ce fait, vu l’exiguïté de notre chapelle, un petit nombre seulement y pourra assister. Du reste, la plupart des hommes sont pris par les revues ou les corvées à ce moment-là ; on ne laisse plus au soldat la facilité d'accomplir ses devoirs : c'est triste ! A 9 h, en effet, la pluie continue à tomber. La messe est dite, la chapelle est archicomble, le prêtre ayant tout juste la liberté de mouvement pour accomplir les rites sacrés. On y chante tout de même avec entrain et ça fait grand effet. Nouvelle messe à 11 h dite par un brancardier du G. B. D., chapelle encore comble.
Après-midi triste à cause de la pluie qui tombe sans répit, on aurait pourtant eu grand besoin de soleil ! Dieu soit béni tout de même !

- Lundi 9 octobre 1916 -

Au réveil dès 5 h 30 les 2e  et 3e  sections reçoivent ordre de se mettre en tenue pour occuper un nouveau cantonnement. Je dis la Sainte Messe, puis je pars rejoindre ma section, la 2e. Je la trouve dans de beaux abris cavernes fort bien aménagés, au flanc d'un ravin bien boisé, où la vie, pour aussi sauvage qu'elle soit, ne sera pas désagréable. La journée s'y passe fort bien.
Le soir, je pars réciter tranquillement mon rosaire dans le calme le plus complet. Du reste,  le temps est redevenu serein. Je profite de cette première journée pour faire ma lessive.

- Mardi 10 octobre 1916 -

Sainte Messe vers 6 h au camp Messonnier, je ne puis pas la dire ici faute d'un servant. Au retour je lis, j'écris, bref je passe une excellente journée de calme et de repos. Je puis réciter le Saint Office et mon chapelet.
Les Boches font exploser 3 mines. La


dernière produit un vrai tremblement de terre et malheureusement fait de nombreuses victimes. Contrairement aux usages, on veut faire occuper l'entonnoir de la 2e  après son explosion ou, du moins, faire aménager la lèvre sud. Une section était là à cet effet, quand les boches en ont fait exploser une 3e . Résultat plus de 30 blessés et 7 ou 8 tués.
Vers 10 h, nous sommes appelés en renfort pour le transport des blessés. Quand nous arrivons la besogne est finie, mais il reste encore à dégager 2 blessés qui se trouvent moitié ensevelis sur les bords de l'entonnoir face aux Boches. On nous invite à rentrer chez nous, n'ayant rien à faire pour l'instant, mais je suis autorisé à me rendre sur les lieux. J'y trouve M. l'abbé Couderc et quelques autres brancardiers en train de creuser un petit boyau pour arriver jusqu'à nos blessés, car les Boches n'ont pas l'air de vouloir les laisser enlever sous leurs yeux et au bout de leur fusil, pour ainsi dire, sans faire des .... démonstrations dangereuses. Sur 3 blessés, un a été achevé ce matin par quelque éclat de grenade, il faut reconnaître que nos ennemis ont cependant épargné les 2 autres et, sans doute, le pauvre malheureux qui a ainsi péri sous leurs coups n'a pas été achevé à dessein.
On arrive au bout de plusieurs heures à dégager le 1er, épuisé mais encore plein de courage. Son camarade est aussi tiré dans la soirée d'une position épouvantable, la plus cruelle qu'on puisse imaginer : exposé à la vue et à la cruauté d'un ennemi qui en a fait tant d'autres ; c'est certainement atroce ! Je n'assiste pas moi-même au sauvetage complet, ne voulant pas enlever au groupe de brancardiers de ce bataillon, une partie du mérite déjà acquis. Honneur surtout à M. l'abbé Couderc qui donne la nouvelle preuve de courage et de dévouement.


- Mercredi 11 octobre 1916 -

Je vais dire la Sainte Messe chez M. l'aumônier du 81e  parce que notre chapelle en voie de transformation n'est plus aménagée. M. l'aumônier veut bien me prêter quelques volumes que je lirai avec intérêt.
A 11 h M. Sahut célèbre en plein air au ravin du 81e une messe de Requiem pour le repos de l'âme de plusieurs soldats du 81e  tués récemment. Je suis invité à prêter un concours pour le chant ; je le fais bien volontiers. Belle petite cérémonie avec une assistance sans doute peu importante, mais bien recueillie. Le soir, rosaire dans le bois, avec quelques bonnes minutes de rêveries sur les jours écoulés, surtout depuis que Dieu m'a accordé l'immense bienfait de me faire son prêtre !

- Jeudi 12 octobre 1916 -

Rien de spécial à noter. Le temps devient un peu frais et le soleil se cache. Les Boches manifestent de la mauvaise humeur en envoyant sur les réserves leurs infernales marmites.  J'espère qu'il y aura plus de bruit que de mal. Nuit calme comme à l'ordinaire.

- Vendredi 13 octobre 1916 -

Sainte Messe vers 6 h 30 chez M. Sahut. Au retour lecture et correspondance. Après la soupe, préparatifs de départ, car nous remontons au ravin des Meurissons (camp Messonier) en réserve.
A 13 h départ, on passe à travers bois. Vers 14 h, on est installé dans les mauvais gourbis pleins de saleté. Distribution d'effets chauds : un couvre-pieds, un cache-nez, des gants, des chaussettes. Soirée tranquille.


Au Camp Messonier, en réserve.

- Samedi 14 octobre 1916 -

Sainte Messe chez M. Sahut, notre chapelle étant désaffectée par suite de l'agrandissement qu'on est en train d'y effectuer. Pendant le jour nous y travaillons. Il faut creuser pour pouvoir la recouvrir de tôles demi-circulaires. Rien de particulier.


- Dimanche 15 octobre 1916 -

Je dis une Sainte Messe vers 5 h ; quelques communions. M. Sahut dit la sienne à 6 h 30, tandis que M. Duffeux va dire la sienne au poste du colonel (poste Chardon). A 9 h, première messe militaire que je chante moi-même, malheureusement la pluie nous empêche d'avoir une assistance nombreuse, vu l’exiguïté de notre chapelle. C'est bien fâcheux. A 11 h grand-messe chantée, célébrée par M. Duffeux. La pluie continuant à tomber à verse, l'assistance est réduite : ce contretemps est d'autant plus regrettable que les hommes n'avaient point de corvées à l'extérieur, conformément à de nouvelles prescriptions.
Dans l'après-midi je vais chez M. Sahut où je lis. Rien de spécial pour la soirée.

- Lundi 16 octobre 1916 -

Travaux divers au poste de secours comme d'ordinaire. Dans la journée on procède au changement que nécessite le départ d'une compagnie de territoriaux qui était sur notre droite. On appuie donc d'une compagnie sur la droite : cela ne provoque aucun changement pour nous. Le temps est pluvieux, très désagréable par conséquent.

- Mardi 17 octobre 1916 -

Rien de spécial à noter.

- Mercredi 18 octobre 1916 -

Sainte Messe vers 5 h. Quelques assistants. La pluie continue à tomber.

- Jeudi 19 octobre 1916 -

Au front, aux premières lignes.

C'est le jour de la relève. A 2 h de l'après-midi nous montons en ligne. Ma compagnie est à droite du bataillon, jouxtant par conséquent au 122e. Très mauvais secteur, mal aménagé, mais il n'y a point de mines à cause de la grande distance qui sépare les lignes. Les premières lignes ne possèdent pas d'abris ; les réserves au contraire en ont d'excellents. Je couche pour cette nuit au P.S.
Vers 18 h, à mon grand étonnement, on m'annonce que je pars demain en permission. Je comprends tout de suite que je bénéficie d'une erreur, mais, comme je l'ai fait déjà rectifier une fois et que rien n'a été changé, je ne dis plus rien et j'en prends mon parti. Il m'eût cependant été plus agréable de ne partir qu'après les fêtes de la Toussaint, mais je dois m'exécuter.
Vers 10 h du soir, nous devons aller transporter 2 soldats du génie suffoqués par les gaz des mines. Rentrée vers minuit.

- Vendredi 20 octobre 1916 -

Sainte Messe au tunnel vers 7 h. Travaux divers dans la journée ; préparatifs de départ. A 6 h du soir, en route pour le camp de Monhoven où nous passons la nuit. Il fait bien froid dans le baraquement où nous sommes logés. Heureusement que la joie d'aller en permission fait tout oublier.


Suite du récit : Quatrième permission.

 
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