Menu principal :
Retour à la page précédente.
Depuis novembre 1914, Ernest Olivié est de nouveau soldat. Il loge à la caserne de Rodez. En ce 9 mars 1915, il espère être ordonné prêtre avant son départ pour la guerre.
Rodez, ce 9 mars 1915 Bien chers parents,
Je m’empresse de vous écrire pour vous dire que j’ai fait un excellent voyage pour rentrer à Rodez dimanche au soir : mais quel temps affreux ! De la maison à la gare, je ne reçus pas beaucoup de pluie : mais le vent soufflait si fort que la lanterne menaçait souvent de s’éteindre : elle ne l’a jamais fait quand même. J’en ai été heureux car j’aurais eu grand peine à la rallumer et il m’aurait été absolument impossible de trouver mon chemin sans lumière, tellement il faisait noir : on ne voyait pas la main de devant les yeux, à tel point que quand j’ai eu déposé la lanterne, je n’ai pas crû trouver le chemin de la gare. Enfin je suis arrivé tout de même en très bon état et sur le train j’ai pu trouver une place assis à côté de mon ami Grialou avec lequel je suis arrivé à Rodez. Depuis la gare jusqu’à la caserne, il ne cessa de pleuvoir très fortement : aussi je fus tout heureux quand je me retrouvai dans mon petit lit bien chaud. Le lendemain je fus très étonné de voir que la terre était blanche de neige et que la température s’était considérablement refroidie ; la neige a bien disparu hier, mais le froid persiste et ce matin tout est gelé : le soleil sort cependant et je crois que le beau temps va revenir.
Je n’ai rien appris de nouveau relativement à mon ordination mais je fais tout comme si elle devait avoir lieu. Ce matin je suis sorti avec M. Foucras pour aller à la messe : je le ferai le plus souvent possible afin de faire la Ste Communion. J’y aurai toujours un souvenir spécial pour Baptiste, pour Marius ( ses deux frères soldats ) et pour tous les autres membres de la famille, sans vous oublier vous autres qui avez tant besoin de courage pour supporter tant de cruelles épreuves.
J’ai reçu hier une carte de l’abbé Bergonnier : il me l’écrivait au moment où il venait de recevoir un éclat d’obus dans les reins. Il espérait que ce ne serait rien de grave mais ça le faisait un peu souffrir. En tous cas, il me disait qu’il lui tardait de rejoindre sa compagnie : ça m’étonne beaucoup de sa part. Il est vrai que comme prêtre, il y fait beaucoup de bien et tout le monde l’estime beaucoup. Il me dit que je fasse mon possible pour devenir prêtre avant mon départ, car je ne saurais croire combien je serais utile là-
Je ne vois plus autre chose d’intéressant à vous dire aujourd’hui : je vous quitte pour manger la soupe qui fume déjà sur la table.
Je vous embrasse bien affectueusement. Votre fils qui vous aime bien. Ernest.
L'ordination sacerdotale d'Ernest Olivié est avancée avant qu'il ne parte à la guerre. L'ordination a lieu à Rodez le 19 mars 1915.
Voici ce qu'Ernest écrit un an plus tard à propos de cette ordination sacerdotale, rapidement décidée, et exécutée dans la discrétion :
-
Rien de spécial à noter, le calme se rétablit d'un côté et de l'autre, tandis qu'à Verdun la mitraille pleut avec fracas. Les Boches ont attaqué hier, paraît-
Ma pensée peut se reporter, grâce à ce calme, vers les journées des 19 et 20 mars 1915 : ce furent les plus beaux jours de ma vie, qui virent se réaliser pour moi et pour tous ceux qui s'intéressaient à moi, les plus saints désirs ; Dieu a bien voulu me faire son prêtre ! Une faveur dont j'étais bien indigne, hélas !
Je me vois encore à profiter de tous les instants que me laissaient les occupations militaires pour penser un peu à la grâce qui m'allait être accordée. Pendant 3 jours j'ai pu rester absolument étranger à ces préoccupations militaires et m'attacher uniquement à tant de choses d'un ordre tout autre ! Préparation aux cérémonies de la messe, puis surtout réflexions et lectures capables de débarrasser un peu mon esprit de la gaine plus ou moins opaque que la caserne a laissé croître. Ce fut là, du reste, toute ma préparation avec quelques visites à mon directeur, M. le Supérieur.
Le 18 au soir, j'allais attendre mes parents chéris, ma tante ( Eugénie Olivié, toulousaine) et ma sœur Marie (toulousaine, elle aussi). C'est là tous ceux qui peuvent venir prendre part à ma fête ! Tant il est vrai que l'homme propose et Dieu dispose ! On avait espéré faire une réunion de famille en cette occasion. Hélas ! Ce n'est pas possible avec la guerre et jamais plus ce ne sera possible, puisque notre cher papa n'est plus à l'heure qu'il est. Le Bon Dieu l'a rappelé à Lui. Mais quelle reconnaissance ne doit-
Vers les courriers précédant le départ à la guerre.