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Lundi 17 mai 1915 –
Rien à signaler. Nous apprenons que dans la journée de samedi, à Beauséjour et Perthes, nous avons obtenu de bons succès. Dans le Nord on fait aussi du bon travail.
La soirée est orageuse, nous ne sortons pas pour l’exercice.
Un incident insignifiant nous fait voir que les populations de par ici ne sont pas plus patriotes qu’il ne faut : la propriétaire de la grange dans laquelle nous cantonnons, à cause de quelques dégâts causés par nous pour empêcher la pluie de pénétrer dans la grange, a eu l’audace de nous dire que les Boches n’en ont pas fait autant. C’est bien caractéristique. Mais je veux bien croire que cette femme était un peu trop conduite par la colère, et que du moins le sentiment qu’elle manifestait ainsi n’est pas le sentiment général.
Mardi 18 mai 1915 –
Matinée comme à l’ordinaire. Je dis la Ste Messe pour le lieutenant Gaudard du 142 e, tué à l’ennemi le jour même de son arrivée aux tranchées. Mon lieutenant m’a donné 2 messes à son intention.
Dans l’après-
Mercredi 19 mai 1915 –
Départ pour la marche à 5 h. En conséquence, je dois me lever à 3 h ½ pour pouvoir dire ma messe à 4 h. Itinéraire : la Croix-
Au passage à la Croix-
À Auve, les impressions changent : toutes les maisons bâties sur la route nationale de Paris à Metz sont absolument rasées. Ce n’est qu’un long ruban de ruines sur une longueur de plusieurs centaines de mètres. Quelques maisonnettes en planches ont été dressées sur des ruines : une vague d’horreur nous fait tressaillir à la vue de ces ruines. Le sentiment patriotique se réveille dans toute son ardeur : il faut à tout prix expurger ces sauvages, cause de tant de ruines.
Route nationale magnifique, droite et plate, toute bordée de beaux arbres. Le Tilloy est bâti sur cette route. Une douzaine d’autobus-
Retour à St-
Reçu une lettre de l’ami Grialou. (Henri Grialou deviendra lieutenant et survivra à la guerre. Ordonné prêtre ensuite, il deviendra en religion le Père Marie-
Jeudi 20 mai 1915 –
Rien à signaler. La canonnade se fait entendre, assez violente, à partir de 8h du matin, alors que tous ces jours-
En Italie, il semble qu’on va prendre une décision : le cabinet Salandra qui voulait démissionner pour laisser la place à des neutralistes est maintenu au pouvoir par le roi ; les ambassadeurs d’Autriche et d’Allemagne vont être expédiés. Deo gratias.
Vendredi 21 mai 1915 –
Une des journées les plus intéressantes que j’aie passées depuis le début de la campagne. Un lieutenant a bien voulu me prendre avec les gradés de la C nie pour aller à Somme-
Messe à 4 h pour pouvoir me trouver prêt au moment du départ. 5 h moins ¼ : on emporte le repas froid. Nous suivons un chemin de traverse qui nous conduit à Somme-
Exercices de lancement de bombes fort intéressants. Ces engins sont terribles, leur explosion formidable : c’est une vraie leçon de bruit et d’éclatement de ferraille que nous sommes venus faire. Un lieutenant du 1 er Hussard nous explique fort bien la nature et les procédés à suivre pour lancer ces bombes.
A 9 h ½ nous sommes libres. Déjeuner sur l’herbe, puis visite à la salle où le 2e bataillon du 122e est au repos. J’ai la joie immense, parmi de nombreux camarades du peloton, de retrouver mes amis et confrères Labadie et Castagné. Ils se reposent en attendant de repartir au front, demain soir. Ce bon petit Castagné ! Je ne puis lui dire toute mon admiration, mais il ne veut rien entendre, il se contente de me dire qu’il en a un saoul ! Qui pourrait croire qu’une si faible enveloppe, un extérieur si modeste, cache de telles vertus guerrières. On passe une bonne heure à causer très agréablement, puis on se sépare en se donnant rendez-
Rentrée à St-
Samedi 22 mai 1915 –
Rien de spécial. En raison de notre fatigue de la veille, point de marche militaire ; on nous emploie, moitié le matin et moitié le soir, à faire des piquets aigus, destinés à fortifier les tranchées ; nous travaillons donc d’un peu plus à la défense de la France. Mois de Marie comme d’habitude.
Dimanche 23 mai 1915 – Pentecôte.
Messe à 5 h à laquelle assiste une soixantaine de camarades, qui presque tous communient ; c’est une grande joie que de distribuer ainsi le Corps du Bon Maître à ces bonnes âmes. C’est une de mes grandes joies depuis que je suis à St-
À 9h, revue d’armes, me voilà parti à briquer mon flingot ; ce qui du reste me valut des félicitations.
À 10h grand-
Décret de mobilisation italienne.
Lundi 24 mai 1915 –
Journée de repos passée en entier à promener ma bosse dans les 4 coins de St-
Reçue une bonne lettre de mon ami Poujol. C’est un rayon de soleil pour moi.
Mardi 25 mai 1915 –
Rien à signaler, sauf que l’on apprend la déclaration de guerre de l’Italie à l’Allemagne. Y a bon ! je crois que c’est le commencement de la fin ! Dieu soit béni !
Mercredi 26 mai 1915 –
Marche. Départ à 4 h. Je dois par conséquent dire ma messe à 3 h moins ¼.
Itinéraire : Le Tilloy, Somme-
Jeudi 27 mai 1915 –
Je suis encore un peu fatigué de la veille. Lever cependant à 4h comme d’habitude. Messe et exercice comme à l’ordinaire. Je suis appelé à diriger une patrouille.
Dans la soirée rien à signaler sauf le bruit qui court d’après lequel d’excellentes munitions de guerre boches sont arrivées en quantités considérables à la gare de ravitaillement (Somme-
Vendredi 28 mai 1915 –
Il avait été question de nous envoyer cantonner à Valmy, point historique, à 18 ou 20 km d’ici. Il paraît que nous allons rester ici. Deo gratias. On y est vraiment très bien. Rien de plus à signaler sauf que nous allons faire des tranchées dans un champ avec de grands outils de parc : c’est assez intéressant. Dans la soirée, même travail, mais avec moins d’intensité.
Samedi 29 mai 1915 –
Rien à signaler dans la matinée. Les artilleurs du 90 e, arrivés le 27, vont prendre position dans les secteurs voisins. Moi je suis planton dans la cour du quartier pendant que mes camarades vont faire des tranchées. Je passe une journée de « farniente », pour empêcher les soldats de pénétrer dans un débit de vin où se trouve une jeune fille pas trop sérieuse. J’ai beaucoup à faire pour tenir dehors nos beaux hussards ! Je profite de ces loisirs pour faire un peu de correspondance.
Dimanche 30 mai 1915 -
C’est aujourd’hui la journée du Bon Dieu et aussi de repos pour le pauvre soldat. Messe de communion à 5 h. Puis revue à 8 h par le lieutenant. Grand-
Départ fixé à 2 h 30. Réveil à 1 h 30. On se couche sans couvertures. On ne va pas avoir chaud !
Suite du récit : cantonnements à Herpont puis Valmy.