Troisième permission - en Aveyron du 27 Mai au 7 Juin 1916. - Ernest Olivié - Grande Guerre 14-18

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Troisième permission - en Aveyron du 27 Mai au 7 Juin 1916.

1916 > Front de l'Aisne

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- Samedi 27 mai 1916 -

Ste-Messe vers 7 h au Bois du Centre. On m'annonce que je pars en permission ce soir ! J'en suis un peu dépité, car je prévois que, par suite de mon départ, le service religieux ne pourra être assuré qu'à demi en ligne, mon confrère l'abbé Tersy se trouvant au repos avec sa compagnie à Dhuizel. Et pourtant il faut bien que je parte. Coïncidence très bizarre, il se trouve que je suis parti 2 autres fois en permission, et chaque fois un dimanche.
Dans l'après-midi, je monte à Moussy pour prier un des confrères du 5e d'assurer la messe de Pont-de-Moussy pour dimanche. Je ne trouve ni Foucras ni Ditte, je leur laisse un mot.
Vers 15 h 30, je pars avec un autre camarade des régions envahies qui va passer sa perme à Lyon. Longue pause jusqu'à 17 h chez le Commandant. On nous donne un laissez-passer, et en route pour Dhuizel avec armes et bagages. Il fait très chaud. Nous arrivons vers 18 h 15. Souper excellent grâce à l'ami Lagrange, séminariste de Bordeaux et planton aux mitrailleurs.

Puis nous embarquons sur une méchante charrette de ravitaillement et, cahin-caha, nous arrivons à Mont-Notre-Dame vers minuit (sur la voie ferrée, 8 km à l'ouest de Fismes). Assez bien couchés dans une grange. Nous sommes très fatigués.

- Dimanche 28 mai 1916 -

Lever vers 5 h. Nous montons à l'église. J'y reste jusque vers 6 h. A ce moment-là un prêtre soldat arrive. Dieu soit béni ! je puis dire la Ste-Messe dans cette vaste église qui doit être belle, mais qui est un peu délabrée. Style très ancien, beau panorama sur toute la région environnante qui est fort belle.
Vers 7 h 30, en route pour Paris où nous débarquons vers midi. Jusqu'à 16 h où a lieu le départ, nous nous promenons un peu, nous déjeunons un brin et faisons quelques provisions pour le voyage. Je paie toutes les dépenses de mon camarade qui n'a pas le gousset très bien garni, car il est sans nouvelle de sa famille.
Vers 16 h 30, en route pour Noisy-le-Sec ; longue pause à Juvisy. Changement de train à Orléans vers 22 h 30.


- Lundi 29 mai 1916 -

Via Limoges et Brive, arrivée à Capdenac à 9 h. Je prends directement la direction de la maison de ma sœur (Louise) où je cause un peu d'agréable surprise. J'y reste jusqu'à 7 h du soir, passant mon temps à diverses occupations et surtout au repos. Vers 20 h je débarque enfin à Auzits. Je vais pouvoir de nouveau embrasser ma chère mère, ma sœur Clémence, revoir le pays avec toute sa parure de printemps. Quelle joie ! Merci à Dieu qui a bien voulu me la procurer.


- Mardi 30 mai 1916 -

Ste-Messe à Testet vers 5 h : procession des Rogations. Au retour j'aide un peu Maman à travailler au jardin, puis je vais remuer du foin coupé, afin qu'il puisse être assez sec pour être mis en grange dès demain. Temps splendide pour cela. Je suis vraiment content de vivre dans cette tranquillité et de respirer les bonnes odeurs printanières.

- Mercredi 31 mai 1916 -

À Glassac vers 6 h, je dis la Ste-Messe. Après déjeuner, vers 8 h, je pars à vélo pour Rignac afin de soumettre ma permission au visa des gendarmes. A Escandolières, je préviens que demain je viendrai faire les offices de l'Ascension. Retour par Goutrens et St-Christophe. Au presbytère de Goutrens, je ne vois âme qui vive. A St-Christophe vers midi et demi, M. Astorg, curé, m'accueille à bras ouverts et m'offre un excellent déjeuner. Il est content d'avoir des nouvelles de son cher vicaire l'abbé Foucras. Retour à Glassac vers 14 h. Pause, puis retour à la maison dans la soirée vers 4 h. Nous rentrons 2 chars de foin.



- Jeudi 1er  juin 1916 - Fête de l'Ascension -

A 6 h, messe basse à Escandolières. Petit speech au prône. Grand-messe à 10 h avec exposition du T.S. Sacrement. Vêpres à 14 h avec longue procession. Nombreuse assistance : à peu près toute la population disponible se trouve là : aussi suis-je heureux de faire mon petit possible pour faire un peu de bien à l'âme de ces bons fidèles.
Déjeuner avec le père de M. le Curé. Retour au foyer vers 17 h. Je suis absolument vanné ! C'est pour Dieu !


- Vendredi 2 juin 1916 -

Ste-Messe vers 5 h à Testet. Triduum à la Bienheureuse Jeanne d'Arc.
Sulfatage de la vigne pendant toute la journée : c'est fort pénible, mais je suis bien content de rendre ce petit service à Maman.


- Samedi 3 juin 1916 -

Messe à la même heure à Testet. La pluie m'empêche de poursuivre mon travail de sulfatage. A 15 h, je pars pour Rodez où je vais faire visite à quelques amis et faire quelques emplettes. Arrivée vers 16 h. Souper et coucher au séminaire. Vers 21 h, je trouve quelques amis.


- Dimanche 4 juin 1916 -

Ste-Messe vers 6 h au séminaire. Grand-messe à la cathédrale. Dîner au séminaire. Après-midi passé avec les amis. Départ à 16 h. Visite à quelques parents dans le pays : tout juste de quoi me fatiguer énormément, mais on n'y regarde pas d'aussi près.


- Lundi 5 juin 1916 -

Ste-Messe à 5 h ½. Sulfatage. Visite à M. le Curé de Glassac, puis à St-Christophe chez les parents d'un camarade. De profundis au cimetière (Glassac) sur la tombe du pauvre Papa. Je l'orne un peu.


- Mardi 6 juin 1916 -

C'est aujourd'hui que je dois repartir. Mon cœur se serre, rien que d'y penser. Maman se désole et est toute triste. Comment ne pas avoir un peu mal au cœur ? Maman vient assister à ma messe à 5 h ½.
Préparatifs de départ, toujours tristes, surtout vu la situation de ma pauvre mère, privée depuis quelques mois à peine du fidèle compagnon de sa vie. Sans doute Dieu lui donne abondamment le courage de supporter vaillamment, chrétiennement toutes ces misères, mais la nature a toujours ses exigences. Clémence vient dîner avec nous.
A 17 h, départ à la gare pour Capdenac. Rencontre de l'abbé U. Lacombe, que je n'avais pas vu depuis des années. A Capdenac vers 18 h, je retrouve mon beau-frère (Firmin) qui m'amène chez lui. La petite famille est pleine de joie de me revoir, je la partage moi aussi cette joie, car elle est bien légitime et naturelle.


- Mercredi 7 juin 1916 -

Ste-Messe vers 6 h ½ à N.D. des Voyageurs. Ma sœur y assiste. Journée toute d'intérieur : la crainte de tomber entre les mains des gendarmes qui auraient pu contester la légitimité de mon arrêt à Capdenac, m'engage à rester prudemment à l'intérieur.
Départ vers 18 h 30, direction le front (Train R.F.). Les pauvres petits se cramponnent à moi pour ne pas me laisser partir : c'est bien triste tout de même ! Voyage d'une lenteur désespérante.


Jeudi 8 juin 1916 -

Vers seulement 5 h du matin, nous arrivons à Orléans ; à Juvisy vers 9 h. Départ à 9 h 30 et arrivée à Paris vers 11 h 15. Quelques achats. Départ de nouveau vers 14 h pour arriver à Mont-Notre-Dame à 19 h. Nuit calme passée au dépôt des permissionnaires d'où nous ne partirons que demain au soir avec le ravitaillement.

Suite du récit : Front de l'Aisne #5.


 
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