Mort d'Ernest le 1er mai 1918 - - 31e D.I. Martin - 96e RI - 2e Bat. - Ernest Olivié - Grande Guerre 14-18

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Mort d'Ernest le 1er mai 1918 - - 31e D.I. Martin - 96e RI - 2e Bat.

1918

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DERNIERS INSTANTS ET  DERNIERS MOTS

En 1919, Louis Chavanet rédige la biographie d’Ernest Olivié ; il dispose alors d’éléments écrits (lettres et carnets d’Ernest) et surtout des témoignages de ceux qui ont vécu avec lui ses derniers instants.



Voici mot pour mot les phrases poignantes de Louis Chavanet :

Après un déplacement stratégique de vingt-sept jours et 200 km au moins de distance, notre confrère écrivait ses dernières lettres de Poperinghe, de vraies lettres d’adieux celles-là, traçait son testament spirituel et temporel et dirigeait les intentions de son sacrifice suprême.
La grande action engagée, son bataillon, le deuxième, venait d’être relevé ; dès lors, son rôle paraissait devoir être fini.
Pour lui, il ne se regarda pas encore quitte et, pour faciliter le ministère de l’aumônier du troisième bataillon, M. l’abbé Couderc, son compatriote, il crut devoir remonter aux lignes de feu et y donner les détails utiles au bien spirituel des combattants.
La mort attendait là sa victime, et comme deux officiers s’approchaient pour le féliciter de sa bravoure, un obus éclata au milieu du groupe.
Alors s’ouvre sur ce champ de bataille, sous la rage des canons et des projectiles, un de ces tableaux que la guerre éclaire d’une lueur particulière.
M.l’abbé Couderc est blessé à un bras.
«  Je suis perdu, lui crie l’abbé Olivié, vite l’absolution »
Et M. Couderc se relevant avec peine et souffrance, donne l’absolution et administre l’extrême onction au prêtre-soldat qui expire dans ses bras.
«  Mon Dieu, je vous aime, ayez pitié de moi, puisque je meurs pour vous. »
Telles furent ses dernières paroles.
Et comme si la mort voulait se venger sur cette victime qui l’avait si souvent méprisée, un nouvel obus éclata et lui brisa une jambe, blessant une seconde fois M. Couderc et frappant grièvement les deux officiers.

Très Cher Ernest, ta  belle vie se finit ici,
Tu rejoins Dieu, que tu aimes tant ; tu mérites assurément une place parmi ses SAINTS.


Février 2019 : l'archiviste du diocèse de Rodez donne copie de la lettre que l'abbé Couderc a envoyée à son aumonier peu de temps après la mort d'Ernest Olivié. En voici l'intégralité :

                                                                                                                       Vitré, 26 mai
                                                               Monsieur l’Aumônier

     Vous avez probablement appris mon évacuation à la suite de deux blessures reçues à côté de Locre. Le 1 er mai, mon bataillon montait en ligne renforcer les deux autres bataillons déjà éprouvés. Dans l’après-midi, on m’annonce qu’une section, qui s’était portée en avant, avait plusieurs blessés.
Je me trouvais à ce moment au poste de secours avec M. l’abbé Olivié. Nous partons aussitôt  tous deux et, arrivés sur le terrain, constatons avec plaisir que la nouvelle était fausse. Après avoir dit bonjour à tous les poilus de la section, nous rencontrons les capitaines Lesseur et Cullier.
Au moment même où ils viennent nous serrer la main, un obus arrive au milieu du groupe. Un instant étourdi par la violence du coup, je reprends cependant assez vite  mon sang-froid et constate que je suis blessé à la main. En même temps je vois à terre le capitaine Lesseur, assez grièvement blessé
(*) , tandis que le capitaine Cullier, légèrement atteint à l’épaule, se mettait à l’abri.
A côté de moi, l’abbé Olivié, encore debout et les mains sur la poitrine, me dit en pleurant : « Oh ! mon Dieu, je vais mourir ! Vite l’absolution ».
Je l’aide à s’asseoir et lui donne en même temps l’absolution. Il prononce seulement ces mots : « Mon Dieu, ayez pitié de moi ! » Et c’est fini. Plus une parole ni un mouvement.

Pendant que je lui donne l’Extrême-Onction, un second obus éclate tout à côté. Le pauvre abbé, déjà mort probablement, a encore une jambe fortement touchée, tandis que j’étais moi-même atteint par un éclat à la cuisse. J’ai pu par mes propres moyens me rendre au poste de secours et de là aux brancardiers divisionnaires, ce que je n’aurais pu faire le lendemain.
De là, j’ai d’abord été évacué dans un hôpital du Pas-De Calais, à Paris-Plage. A la radio, on signala les deux éclats de la main et de la cuisse, avec deux os fracturés à la main. J’ai été opéré après avoir été endormi. Deux jours après, nouvelle évacuation sur un hôpital de l’intérieur, à Vitré, où je me trouve depuis. Pendant quinze jours j’ai beaucoup souffert et j’ai dû garder le lit. Depuis quelque temps, je me lève et peux même dire la Sainte Messe. Les plaies se referment et je ne souffre presque plus. Sous peu j’espère pouvoir quitter l’hôpital. Mais, comme ma main reste encore raide, il est probable qu’il me faudra passer par la mécano, à Rennes. On n’a plus actuellement que dix jours de permission. C’est vous dire que je ne tarderai pas trop à rejoindre mon bataillon. C’est là d’ailleurs mon plus grand désir.
En attendant, le service religieux est assuré par mon confrère, l’abbé Allais. J’ai eu des nouvelles par le commandant et le major. Pendant ces mauvais jours, je ne vous ai pas oublié dans mes prières. J’espère bien que le Bon Dieu vous aura conservé à ces braves poilus qui vous aiment tant et à qui vous faites le plus grand bien. Vous me ferez plaisir de m’envoyer de vos nouvelles.

Je vous laisse, monsieur l’Aumônier, avec mes plus respectueux sentiments en N-S.

Signé :  A. Couderc, Hôpital complémentaire, N° 10, salle 2, Vitré (Ille-et-Vilaine)

(*) : Note du webmestre : la blessure du capitaine Lesseur est mentionnée dans l’historique du 96 e R.I.

Suite : Post-mortem.



 
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