Testament d'Ernest le 29 avril 1918 - 31e D.I. Martin - 96e RI - Ernest Olivié - Grande Guerre 14-18

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Testament d'Ernest le 29 avril 1918 - 31e D.I. Martin - 96e RI

1918

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29 avril 1918


Cher Ernest,  voilà 3 ans jour pour jour que tu es  arrivé au front à Suippes et que tu as entendu gronder le canon pour la première fois !
Depuis, tu  as beaucoup souffert, tu  as vu des atrocités  sans nom, et pourtant tu gardes le moral et continues ton sacerdoce et ta mission sans jamais penser à  te dérober.
Combien de compagnons d’armes blessés as-tu sauvés ?
Combien de  camarades morts et morceaux de corps déchiquetés as-tu ramenés ?
Trois  ans déjà d’une vie terrible où tu côtoies souvent la mort de très près ;
Et ce 29 avril, juste 2 jours avant ta mort, tu décides d’écrire ton testament.
Qu’est ce qui te pousse  à écrire tes dernières volontés ?
- Un simple pressentiment ?
- Ton expérience du conflit qui te fait comprendre que  les combats en cours  « comptent parmi les plus terribles de la grande guerre » ?
- Dieu, avec qui tu es très proche, qui te le souffle en pensée ?

Tu prends ton carnet de relevé de messe et tu écris ton testament temporel :

D’abord tu rayes de la main le texte suivant :

Il m'en reste 2 à dire pour une dame de Sentheim : j'en ai reçu les honoraires soit 5 francs.
Pour M. Ladet curé de Glassac, j'ai à acquitter encore 9 messes à 3 fr dont j'ai perçu l'honoraire soit 27 francs. D'autre part, j'ai acquitté 10 autres messes à 3 fr pour M. Labet : or je n'ai pas encore perçu le montant de ces honoraires. Donc pas d'argent à prélever sur mon avoir pour les messes à acquitter. M. Ladet fera le nécessaire.
De l'Evêché, j'ai été prévenu que 50 messes à 2 fr avaient été mises de côté pour moi. Aucune n'est acquittée et je n'ai rien perçu.
D'autre part, l'Evêché m'est redevable de la somme de 100 fr. pour 50 messes déjà acquittées.
Donc, en cas de mort, il ne faudrait soustraire de mon avoir actuel que la somme de 5 fr pour faire dire 2 messes "a intentionem d..."

Le texte suivant n'est pas rayé. Voici donc  ton testament :

Ce 29 avril, jour où nous montons en ligne, ce qui précède doit être annulé. Il ne me reste plus aucune messe à acquitter, de celles dont j'ai reçu les honoraires.
L’Evêché de Rodez a mis de côté pour moi 50 messes (pas reçu honoraires). J'en ai acquitté une seule.   T.S.V.P.

Donc l'Evêché de Rodez m'est redevable de la somme de 2 francs, plus de 100 francs pour 50 autres messes acquittées précédemment. En cas de mort, réclamer simplement la somme de 100 francs à M. le Secrétaire Général de l'Evêché de Rodez.
De plus, M. l'abbé Estivals a mis à ma disposition 20 messes à 3 fr. J'en ai acquitté une seule à son intention. Inutile de lui réclamer cet honoraire (Il va sans dire que M. Estivals ne m'a pas remis les honoraires des 20 messes).
 Je désire que le peu d'argent que je possède sur moi soit employé à célébrer des messes pour le repos de mon âme, au cas où je serais tué : que m'importe lequel de mes confrères du régiment veuille bien s'en charger.

Le texte suivant est rayé :

Quant aux cent francs qui me sont dus par l'Evêché de Rodez, j'en fais don à ma chère mère, déduction faite de la somme de trente francs à remettre à M. le Curé de Testet pour son école libre.

Le texte suivant n'est plus rayé :


Quant aux cent francs qui me sont dus par l'Evêché de Rodez, je désire qu'ils soient employés comme il suit : cinquante francs à ma chère Maman pour son usage personnel ; vingt-cinq francs à chacun de MM. les curés de Glassac et Testet pour leur école libre.
 Quant à la petite somme que ma Tante Eugénie a bien voulu placer à mon nom, je laisse à ma chère Tante le soin d'en disposer à son gré, pour son usage personnel ou pour venir en aide aux membres les plus nécessiteux de notre famille.
 Ma chapelle portative se trouve à la voiture médicale : j'y ai renfermé quelques souvenirs et papiers : envoyer ceux-ci à ma famille. La chapelle elle-même pourra rester à mon confrère M. l'abbé Jouannau ou à un autre confrère du régiment. C'est ma propriété personnelle, puisqu'elle m'a été offerte par M. le lieutenant du Sorbet.

 Fait en face Poperinghe, le vingt-neuf avril, mil-neuf-cent-dix-huit à 11 heures du matin, tandis qu'en face gronde une furieuse canonnade.

+ Ernest Olivié
Prêtre
Caporal brancardier
96 e Régt d'Infe - 2e Bataillon
S.P. 139

T.S.V.P.

Adresse des personnes à prévenir en cas d'accident :

Passée la terrible émotion qui nous étreint à chaque fois que nous relisons tes dernières lignes, nous savons maintenant, Ernest, que tu n’avais pas qu’un pressentiment.
Ton testament, Ernest, c’est à la fois :

L’acte de transmission de  tes biens précieux,
dont « quelques papiers » à ta famille
Une lettre d’amour à tes proches
Et surtout ton solde de tous comptes
DEFINITIFS
SANS RETOUR

****

Ce 29 avril, quand tu montes en ligne, tu sais que des missions très dangereuses vous attendent, et que tu as le droit de les éviter
Et tu choisis de ne pas les éviter…..


 
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