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Récit d'une traversée des Pyrénées
via la
Haute Randonnée Pyrénéenne (HRP)
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De l'HOSPITALET-près-l'Andorre jusqu'à BANYULS :
du 23 août au 2 septembre 2003 (étapes 41 à 50)

Desde l'HOSPITALET-près-l'Andorre hasta BANYULS :
del 23 de agosto al 2 de septiembre de 2003 (etapas 41 a 50)

From l'HOSPITALET-près-l'Andorre to BANYULS :
From August 23st to September 2nd 2003 (days 41 to 50)

Préface par Philippe DURAND.

Lorsque Philippe m'a proposé de les accompagner, lui et Yves, pour le dernier tronçon de leur traversée des Pyrénées par les Hautes Routes, j'ai été à la fois très honoré et inquiet à l'idée de ne pas assumer mon rôle de nouveau dans l'équipe.

Préparer son sac sans le surcharger, afin de ne pas porter un ustensile inutile, une nourriture inadaptée, un vêtement qui dénonce le néophyte.

Devant la gare de l'Hospitalet, notre allure générale était bien celle de fiers marcheurs : on sentait les hommes et le matériel patinés, le teint hâlé, le sac boucané, la chaussure tannée mais pas avachie, les vêtements bien adaptés à la randonnée, sobres.

Un juste équilibre, en somme, révélateur d'une grande sagesse conférée par l'expérience. À la pesée, nous affichions une charge d'environ 13 kg, dont une bonne partie de nourriture qui allait fondre en dépense d'énergie.

Le programme établi me paraissait limpide : alternance de nuits en refuge et dans des abris. Pour les refuges, plus qu'un sommeil réparateur, c'est l'idée d'une nourriture substantielle qui en fait l'attrait. On peut aussi comparer la qualité de l'accueil. On a ainsi pu constater qu'il n'est pas toujours facile de se faire servir le petit déjeuner à l'heure prévue : les gardiens de refuge s'attardent au lit alors que le marcheur piaffe d'impatience. Sitôt sorti des limbes du sommeil, il rivalise avec le soleil, si ce n'est par son éclat, au moins pour l'heure de son lever. La nature elle-même voit se disperser les dernières brumes qui ont appesanti sa nuit. Tout ce qui était obscur se dissipe sous les premiers rayons. La lumière vaporise la densité des nappes de brouillard que le vent prend en charge, et qu'il élève au-dessus des noires étendues des lacs.

On s'attend à voir sortir des eaux Excalibur, l'épée héroïque de Lancelot, ou, plus pacifique, une des créatures féminines qui, noyées au fond des eaux, surgissent tous les matins pour symboliser l'aurore. C'est le moment inaugural du jour, et on comprend l'angoisse qui étreignait les sociétés archaïques de ne plus voir se lever le soleil.

Moins mystiquement, l'assurance d'une belle journée réjouit le marcheur. Son humeur bien souvent se couvre avec le temps. Il faut surtout prévoir que très souvent les orages, si fréquents à la fin du mois d'août, surviennent en fin de journée, alors qu'on est fatigué et peu disposé à dîner sous la pluie et dans la fureur des grondements.

Chaque fois, prévoyants, c'est derrière les vitres des refuges que nous avons assisté au déferlement des trombes d'eau. Ah les zébrures dans le ciel qui viennent électriser un point de l'horizon ! Le petit décompte mental qui situe l'orage, la surprise quand l'éclair coïncide avec le tonnerre. Alors il est au-dessus.

Le grondement après le déchirement cascade dans la vallée, mais remonte sur la paroi comme une avalanche chaotique de blocs énormes. Bigre ! Quelle colère !

Nos abris improvisés furent de deux types.

Une nuit dans un orry. À première vue, on aurait pensé que depuis la préhistoire, personne n'avait dû y coucher ! La position de Cro-Magnon qu'il fallait adopter pour y pénétrer me semble le confirmer. Était-ce une ouverture cet interstice où, même de biais et cassé sur le côté, on frottait de partout tant les parois rocailleuses étaient hostiles à toute intrusion ?

L'intérieur était lui aussi assez rustique : des planches mal jointes, un peu courtes en longueur, de vieux sacs et un peu de paille, pas d'âne ni bœuf mais comme une crèche. Au demeurant bien aéré de partout. Dehors, une nuit superbe, plein d'étoiles à ne plus savoir compter. Dans le bas des pâtures, un torrent, bien entendu, dans lequel on peut imaginer se baigner, et à quoi l'on renonce rapidement, tant l'eau est glaciale.

Une autre nuit dans une cabane de bûcheron avec tout le confort : bas flancs en bois brut, tôles ondulées si joueuses avec le vent, poêle en ferraille rouillée et des sièges d'époque, c'est-à-dire de la période à laquelle l'arbre a été scié. Avec nos barbes, nous faisions carrément hommes des bois.

Quelles sensations de liberté en revanche ! et surtout quelle redécouverte du bruit - celui du vent, des arbres - des odeurs et de tout ce qui est à peine perceptible à condition que tout ceci ne soit pas couvert par le ronflement de vos compagnons ou par le vôtre !

Beaucoup d'instants de douces sensations calmes et sereines que la fatigue rend possibles. La journée s'écoule au rythme de la marche et de la course du soleil.

On choisit de parler ou de se retirer dans un silence intérieur. Les choses paraissent plus simples car les choix sont plus limités (je ne parle pas de la confection des menus où les variantes reposent plus sur l'ordre des mets que sur leur diversité : sardines avant saucisson ? ou l'inverse ? ). On s'adapte aux situations qui nous rappellent de distinguer l'essentiel de l'accessoire.

Lorsqu'il nous a fallu redescendre à Amélie les Bains, où s'arrêtait pour moi le voyage, j'avais l'impression d'avoir échappé à l'ordre trop quotidien des choses.

En vidant mon sac de souvenirs, j'ai retrouvé plein d'images mentales qui viennent se greffer sur toutes les photos que Philippe et Yves ont rassemblées.

Chacun vient ponctuer un moment de notre périple : un paysage en haut d'un col, le moment fugitif d'une rencontre avec des isards, ou avec des humains.

On nous voit aussi poser fièrement en haut du Canigou où, un instant, nous aurions pu croire que nous étions seuls.

Entre tous ces instantanés, il y a la durée de cette semaine passée à tout simplement marcher ensemble.

Philippe DURAND.

Etape :

41 Samedi 23 août 2003 : L'Hospitalet-près-l'Andorre (1436 m) à Refuge des Bésines (2104 m)

42 Dimanche 24 août 2003 : Refuge des Bésines (2104 m) à Refuge CAF des Bouillouses (2020 m)

43 Lundi 25 août 2003 : Refuge CAF des Bouillouses (2020 m) à Vallée d'Eyne / Orry de Baix (2040 m)

44 Mardi 26 août 2003 : Vallée d'Eyne / Orry de Baix (2040 m) à Pic de Noufonts (2861 m) à Refuge de l'Ull de Ter (2220 m)

45 Mercredi 27 août 2003 : Refuge de l'Ull de Ter (2220 m) à Refuge de Mariailles (1718 m)

46 Jeudi 28 août 2003 : Refuge de Mariailles (1718 m) à Pic du Canigou (2784 m) à Cabane de Pinatell (1650 m)

47 Vendredi 29 août 2003 : Cabane de Pinatell (1650 m) à Col de la Cirère (1733 m) à Amélie les Bains (220 m)

48 Dimanche 31 août 2003 : Amélie les Bains (220 m) à Roc de France (1450 m) à Las Illas (550 m)

49 Lundi 1er septembre 2003 : Las Illas (550 m) à Col du Perthus (280 m) à Auberge du Col de l'Ouillat ( 936 m)

50 Mardi 2 septembre 2003 : Auberge du Col de l'Ouillat ( 936 m) à Crête des Albères à Plage de Banyuls ( 0 m)

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Réalisation du site : Yves FOULQUIER.
Textes du récit :Yves FOULQUIER et Philippe POUSSOU.
Poèmes : Philippe POUSSOU.